Le jeudi 6 octobre 2010, EPLP a été auditionné par Madame Duthilleul relativement au «Schéma de développement industriel » qu’elle pilote pour la Nouvelle-Calédonie.
Après nous avoir indiqué qu’elle avait supervisé les projets d’usines du nord et du sud et qu’elle
connaissait donc bien le dossier nickel, elle nous a donné la parole afin que nous lui fassions part de nos remarques, interrogations, préoccupations au sujet de l’avenir de la mine et de la métallurgie.
Parce que nous ne sommes vraiment pas sûrs que l’exploitation minière et l’industrie métallurgique aient « profité » aux Calédoniens, à tous les Calédoniens, comme cela aurait dû être, voilà ce que nous lui avons indiqué :
1° Ce schéma part d’un présupposé qu’il faudrait développer l’industrialisation du territoire pour le bien de ses habitants. Pour nous, cela reste à prouver. En effet, nous observons que les dégradations des milieux, terrestres et aquatiques, sont extrêmement importantes ; l’érosion de la biodiversité calédonienne nous préoccupe. D’autre part, les retombées économiques ne sont pas vraiment au rendez-vous. Faut-il rappeler qu’en 2010, des Calédoniens ne bénéficient ni d’eau courante, ni d’électricité, que l’assainissement connaît sur l’ensemble du territoire un retard préoccupant et que l’espérance de vie y est inférieure de 7 ans à ce qu’elle est en métropole ? Doit-on aussi évoquer la pénurie d’eau que ne manqueront pas de connaître les habitants d’Oundjo parce que les besoins de l’industriel sont considérables ?
2° Nous demandons que la réalisation de ce schéma ne soit envisagée qu’après qu’aura été réalisé un BILAN de la mine et de la métallurgie des années passées, ce bilan devant être sanitaire, social/sociétal, économique et environnemental. C’est de ce bilan et de ce bilan seulement, que pourra émerger ce qu’il faut faire et ne pas faire. Nous citons des exemples :
- région Thio/Canala. Quel « bilan » d’un siècle d’exploitation pour les habitants de la zone ?
- 20 000 ha à revégétaliser recensés pour un coût de 160 milliards de francs dont au moins la
moitié à la charge des contribuables. Il faudra au moins 30 ans au rythme actuel pour apurer le
retard ! A noter que la revégétalisation est, pour nous, « mieux que rien » mais reste un «emplâtre sur une jambe de bois ».
- quel bilan pour les malades de l’amiante ayant travaillé sur mines ou à la SLN (taux de
mortalité lié aux maladies de l’amiante 10 fois supérieure en NC par rapport à celle de la
métropole) ? EPLP souligne que le premier rapport faisant état de minerai amiantifère en NC date de 1976. Cette date parle d’elle-même : la santé des Calédoniens a été sacrifiée durant près de 40 ans sur l’autel du la mine et de la métallurgie avec la complicité passive de certains et active de quelques autres.
- quel manque à gagner pour les populations de « là-bas » et d’ici avec les défiscalisations
d’Etat et locale ? EPLP demande que tous les projets mine, métallurgie, énergie d’origine fossile,
n’accèdent plus au dispositif de défiscalisation puisque ces projets ne sont pas durables.
- etc
3° Ce schéma, prévu dans les ADN devait être réalisé avant 2004. Le retard mis à sa réalisation est donc certain. Il aurait pourtant été préférable qu’il soit prêt avant que les deux grands projets d’« usines » n’aient abouti sans coopération ni concertation entre exploitants et autorités. Le mal est fait…
4° Nous demandons que le vocabulaire choisi dans la communication « officielle » n’induise pas en erreur la population : la mine et la métallurgie ne sont pas des activités durables. Au mieux,
l’exploitation du nickel durera encore 150 ans sur le Caillou. Nos petits-enfants en verront donc la fin… Nous faisons remarquer à nos interlocuteurs que nous, nous ne sommes pas «de passage», que notre vie est ici et que, après que les uns et les autres auront tiré du Caillou ce qu’ils pouvaient, nous, nous resterions. Nous ne voulons pas d’un désert ravagé.
5° Le cas échéant, il faudra veiller à ce que ce schéma soit en conformité avec les traités
internationaux (Convention d’Apia, Convention de Nouméa, droits des peuples autochtones) et
l’existant (Plan énergie-climat, NC 2025).
6° Quid de son élaboration ? Sera-t-elle transparente, digne de la bonne gouvernance ? Y aura-t-il des réunions publiques ? Combien ? Où ? Ou bien sera-ce la seule affaire de technocrates ?
7° Pour le présent et l’avenir, nous pointons le conflit né de ce que les institutions sont aussi
intéressées aux projets. Elles détiennent le pouvoir de règlementation et de contrôle ET sont aussi actionnaires. La confusion n’est pas saine.
8° Ce schéma industriel prévoira t-il des modalités de révision participative et une durée de validité, respectera t-il les principes constitutionnels applicables en NC :
- principe du pollueur-payeur
- principe d’association du public aux décisions
- principe d’intégration à leur JUSTE place (donc éminente !) des problématiques
environnementales dans les politiques publiques ?
9° Ce schéma industriel est indissociable du schéma énergie. Si, comme on nous le dit
régulièrement, l’industrie a besoin de charbon pour son électricité, veut-on encore renforcer la
dépendance de la NC en matière énergétique ? Et le jour prochain où il faudra payer les rejets de
CO, qui le fera ? La collectivité ? Les industriels ? Mais alors ces derniers ne feront-ils pas encore des salariés la variable d’ajustement ? Quel regard de la communauté internationale sur la NC,
devenu 3° émetteur mondial de CO2 avec 36 T/an /habitant ? Qui portera au final les coûts
climatiques de la mine et de la métallurgie de la NC ?
10° Qui siègera dans le « Comité stratégique industriel » ? Qui fera les nominations ? Sur quels
critères ? D’autre part, EPLP aimerait savoir pourquoi le massif du sud, le « diamant de Goro » a été bradé à INCO à un prix au moins 100 fois inférieur au prix réel. La NC a été spoliée lors de cette transaction. Pourquoi ? Y aurait-il à cela une raison d’état ?
Un représentant du nord, président du comité environnemental de KNS, fait remarquer que le
manque de transparence de l’industriel est patent à l’égard des associations environnementales.
On relève aussi que des « promesses » ne sont pas tenues : 100% des cendres de Prony énergie
devaient être revalorisées. En fait, aujourd’hui, c’est 0% et la collectivité paie 1.2 milliard de francs par an pour évacuer lesdites cendres vers l’ISD de Gadji alors même que les particuliers paient déjà l’électricité près de 6 fois le prix de la métropole subventionnant ainsi indirectement les industriels du nickel.
En conclusion, la Calédonie a peut être été le « dindon de la farce » (sauf que la farce n’est pas
drôle). Puisse t-elle ne plus l’être à l’avenir… Nauru et Makatéa ? Non merci, pas chez nous ! !