vendredi 8 octobre 2010

Points clés de la déclaration de clôture du débat d'orientation budgétaire au Congrès le jeudi 23 septembre 2010


A l’issue du débat d’orientation budgétaire, les chefs de groupe au Congrès ont été invités à donner leur sentiment sur les points qui leur semblaient importants à prendre en compte dans l’élaboration du projet de budget 2011. A partir de la déclaration d’ouverture du chef de groupe, de celle de Madame Ilaisaane LAUOUVEA sur la clé de répartition, des diverses interventions des élus du groupe et des différentes problématiques soulevées, les points suivants ont été relevés.

1-) La nécessaire refonte de la fiscalité calédonienne

Le FLNKS a toujours exprimé depuis la signature des accords de Matignon en 1988, sa volonté d’engager une véritable refonte de la fiscalité de la Nouvelle Calédonie. Notre fiscalité correspond à un pays d’économie de comptoir, vivant essentiellement des transferts aussi bien financiers qu’en matière de biens et services en provenance de la France métropolitaine. C’est ce qui nous donne le label de « colonie » de la France dans le Pacifique mélanésien. Cette fiscalité à dominante indirecte a toujours favorisé les catégories de personnes à haut revenu. Les tenants du pouvoir justifiaient cet état de fait par le maintien d’une croissance soutenue à partir d’une faible taxation de cette catégorie sociale. La ressource fiscale existait alors mais la majorité de droite au pouvoir depuis plus de trente ans sans discontinue, a toujours refusé de modifier un système servant essentiellement son électorat traditionnel.

Désormais la situation politique, économique et sociale du pays a changé, même si les transferts de l’Etat restent stables, la Nouvelle Calédonie dispose d’atouts qui lui permettent d’assurer en partie le financement de son développement et de sa croissance. Chacun a l’ambition de construire un pays moderne, et qui dit pays moderne, dit fiscalité moderne adaptée aux structures d’un pays qui émerge de son long sommeil colonial. A l’idée de fiscalité moderne est liée celle de fiscalité juste permettant à chacun de contribuer à la hauteur de sa capacité contributive. Il n’est plus possible de laisser des catégories de personnes ou de biens continuer à être exemptées d’impôt sous des formes diverses. Dans le même temps, les actions de prédation se poursuivent. Au sens propre la prédation est le mode de nutrition du règne animal consistant à s’emparer d’une proie pour la dévorer et se nourrir de sa substance. Au sens figuré c’est bien de l’exploitation abusive des ressources du pays pour servir des intérêts de classe ou de parti dont il est question. Dans le passé des responsables ou des majorités ont plus agi en prédateurs qu’en bon père de famille quant à la gestion du bien public. Ce qui nous conduit, en situation de crise, à des difficultés dont les conséquences négatives doivent être supportées par l’ensemble du pays. Il est donc grand temps de regarder la réalité en face et d’oser s’interroger sur une solution fiscale possible au vu de la marge existante au regard du taux des prélèvements obligatoires : 29% en Nouvelle Calédonie, 44% en France, 55% en Norvège.

Des propositions de refonte du système fiscal existent, il s’agit désormais de faire preuve de volontarisme pour examiner ces propositions. Ce sera aussi l’occasion de voir comment restructurer notre économie, assainir nos finances publiques et veiller à une meilleure répartition de la richesse produite localement.

2-) La modification de la clé de répartition

Le fait d’évoquer une éventuelle modification de la clé de répartition touche au sacro saint principe du rééquilibrage auquel le FLNKS reste profondément attaché. Il convient de ne pas oublier en effet que face à la revendication d’indépendance exprimée par Jean Marie TJIBAOU en 1988, le premier ministre Michel ROCCARD lui avait proposé le principe du rééquilibrage et partant, son corollaire, le partage du pouvoir institutionnel, politique et économique. « Je ne vous donne pas l’indépendance mais les conditions pour y parvenir par le rééquilibrage » dira le premier ministre au président du FLNKS. C’est la raison pour laquelle notre attachement à ce principe de rééquilibrage a quelque chose de viscéral car il nous ramène à la source des accords politiques dont ce principe constitue la matrice originelle. Le rééquilibrage ne peut se comprendre que dans une vision d’émancipation et partant de souveraineté politique de l’ensemble du pays et non d’une portion de pays dans un esprit de partition.

C’est sous cette vision d’émancipation du « pays » qu’il convient d’examiner la situation budgétaire difficile d’une de nos trois provinces, c'est-à-dire la province sud. Nous sommes des responsables politiques du pays, et qui plus est la province sud est la province d’origine de certains élus FLNKS, nous ne pouvons donc agir comme si ce problème n’existait pas, il convient de le prendre en compte.

Au préalable, il sera nécessaire toute fois de nous poser la question de savoir comment sommes nous arrivés à cette situation. Comment la mise en œuvre de 20 ans de politique de rééquilibrage a pu conduire une province dans ce fossé budgétaire alors qu’une autre, la province Nord ne sait plus quoi en faire de ses ressources à tel point qu’elle arrive à placer plus de 11 milliards XPF en bon du trésor. Des causes sont avancées pour expliquer ce déséquilibre dans le rééquilibrage et notamment l’exode rural vers Nouméa et sa périphérie. Il est vrai que les chiffres confirment ce mouvement de population. En 20 ans, les provinces Nord et Iles perdent 6,7% de leur population, sur la même période, la province Sud en gagne 6,5% et ceci sans compter le flux de population en provenance du territoire de Wallis et Futuna qui se vide peu à peu de ses forces vives. Il convient aussi de prendre en compte le facteur immigration de français métropolitains attirés par les emplois et la qualité de vie de notre pays.

D’autres questions relatives aux choix politiques des provinces se doivent aussi d’être posées. La concentration des investissements sur la province sud n’a-t-il pas contribué à accentuer ce mouvement de population ? Le choix de lancer le projet d’usine du sud n’est t-il pas venu contrecarrer la mise en œuvre du rééquilibrage du Nord et des Iles ? Mais alors qu’elle a été la politique initiée par ces deux provinces pour retenir leur population, pourquoi tant de ressources inutilisées alors que les populations quittent village et tribu pour chercher une vie meilleure dans les squats de Nouméa et sa périphérie. Force est de constater que paradoxalement la mise en œuvre des politiques de rééquilibrage pose un sérieux problème de cohésion interne du pays.

Ainsi le groupe FLNKS dans sa vision pays, n’est pas opposé à participer aux discussions pour aider la province Sud eu égard à ses difficultés budgétaires récurrentes. Nous souhaitons aborder cette problématique dans le cadre d’une réflexion d’ensemble sur nos politiques menées ensemble ou séparément depuis 20 ans et qui nous ont conduit dans cette situation pour le moins singulière. Le groupe ne souhaite pas donner un chèque en blanc à la province sud mais par ailleurs, nous avons l’impérieux devoir d’aider une province en difficulté sinon ce serait donner raison à ceux qui ont toujours pensé ou œuvré pour que la provincialisation conduise inéluctablement la Nouvelle Calédonie à une partition de fait.

3-) Mise en œuvre des Fonds

Ce débat d’orientation a aussi permis d’aborder de nouveau la question des différents fonds : fonds souverain, fonds pour les générations futures, fonds stratégique de redéploiement économique et autres appellations. Le FLNKS avait aussi évoqué la mise en œuvre de ses fonds lors de la campagne électorale de mai 2009, c’était un des points de son programme électoral. Le principe que nous défendons est bien celui de la préservation de nos ressources fiscales notamment au moment où les revenus nickel sont au mieux. Notre pays est un pays doté de grandes richesses naturelles, l’exploitation de ces richesses doit se faire dans l’intérêt de toute sa population. Les revenus tirés de cette exploitation ne doivent pas être dilapidés sous forme de dépenses somptuaires ou grandioses ou encore sous forme de prébendes pour servir une catégorie de personnes ou de clientèle politique.

Conclusion

Pour un premier débat d’orientation, ce fut un débat intéressant et riche, de nombreuses propositions ont été confirmées ou exposées et développées. Ce genre de débat sur les orientations du budget d’un pays conduit inévitablement à des discussions vives car nous affrontons nos propres visions du pays en devenir que nous appelons chacun de nos vœux. Nous ne sommes pas toujours sur la même longueur d’onde et c’est normal. Mais de la discussion jaillit toujours la lumière pour éclairer la route ou le meilleur cheminement possible pour notre pays afin que nos enfants puissent vivre heureux dans un pays apaisé avec lui-même et avec son histoire. C’est de la discussion et le palabre que des solutions sont trouvées. La construction en profondeur et à tous les niveaux de notre pays ne peut naître en fait que d’une opposition permanente des forces en présence, une opposition dynamique et dialectique qui finalement nous empêche de sombrer dans une superficialité existentielle.

Il est du devoir du gouvernement de prendre ainsi en compte les propositions des groupes et notamment en ce qui nous concerne celle d’entamer une réflexion de fond sur notre système fiscal et partant sur la restructuration de l’économie calédonienne. Il est important de ne pas retomber dans les mêmes causes qui ont conduit notre pays au bord du gouffre des années 1984-1988. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, c’est à chacun au niveau des ses responsabilités exercées d’y veiller scrupuleusement et avec sagesse.

Pour terminer le groupe FLKNS remercie le gouvernement, les services et toutes les personnes compétentes qui ont aidé le Congrès à débattre au fond en cette première séance du débat d’orientation budgétaire.

R.WAMYTAN