"Monsieur le Président,
Mes Chers Collègues,
Je l’ai déjà dit, lorsque l’exécutif vous présente son budget, il est déjà trop tard pour se prononcer sur ses grandes orientations. Je salue donc le débat d’aujourd’hui ! Mais une triste ironie du sort veut que l’on se mette à faire des débats d’orientations budgétaires, au Congrès et dans les Assemblées de Province, au moment où les choses vont mal et où, la Nouvelle-Calédonie et la Province Sud ont d’énormes difficultés à boucler leur budget primitif 2011. Dans la même veine, on demande aux équipes actuelles de se débrouiller avec l’héritage de l’exécutif précédent… C’est vraiment dommage que l’on n’ait pas eu ces débats d’orientation quelques années plus tôt, au moment où tout allait bien, au moment où l’argent coulait à flots dans les caisses. On aurait pu voir la différence de conception, en matière de gestion des collectivités et d’utilisation de l’argent public, entre les prévoyants et les insouciants, entre les rigoureux et les laxistes, entre les sérieux et les irresponsables, bref entre les gestionnaires prévoyants, rigoureux et sérieux et les démagogues insouciants, laxistes et irresponsables…
Que dire sur le document d’orientation qui nous a été présenté ? Le constat qui est fait est tout à la fois affligeant et édifiant. Affligeant parce des gens que l’on croyait responsables ont laissé, depuis 2004, les dépenses augmenter au taux de 10% par an pendant les trois premières années, 8,7% en moyenne sur six ans. Quand je dis qu’il est édifiant, c’est qu’il montre clairement où conduit l’action politique lorsque l’on a pour seul point de mire le souci de sa popularité. Un souci de plaire pour être réélu bien sûr, et qui amène à vouloir satisfaire les revendications immédiates de la population au mépris de l’intérêt général du pays à moyen et à long terme. On peut tout promettre à tout le monde et distribuer l’argent public comme s’il en pleuvait à tous ceux qui ont fait l’erreur de vous croire, mais il arrive un moment où il faut passer à la caisse et payer l’addition ! Pour pouvoir faire les avancées sociales nécessaires, il aurait fallu être capable de faire des choix, de se serrer la ceinture et de réduire d’autres dépenses ! Cela n’a pas été fait ! Un patron qui gérerait son entreprise avec, comme seul souci, celui de plaire à ses salariés, serait certain de faire faillite… Nous devons donner à ce débat une large publicité. Les Calédoniens doivent savoir que l’on ne peut pas tout avoir et ils doivent apprendre à se méfier de ceux qui leur promettent la lune.… car on ne gère pas une province comme un Karaoke !
Comment payer la note du gueuleton commandé par l’exécutif précédente ? Nous allons être obligés de nous imposer une diminution drastique de nos dépenses. Je soutiens cet effort. Churchill avait promis aux Anglais « De la sueur, du sang et des larmes ». Nous ne sommes plus en guerre, Churchill est mort –et d’ailleurs, il n’a pas été réélu- et devant l’adversité les Anglais sont capables d’un courage collectif que nous n’avons pas.
De toutes les façons, diminuer les dépenses ne suffira pas… Faire passer des dépenses, telles que celles de l’Assurance Maladie des Provinces à la Nouvelle-Calédonie est une possibilité, mais il faudra diminuer le pourcentage global des recettes fiscales affectées aux Provinces pour augmenter les ressources de la Nouvelle-Calédonie. Autrement, il nous faut trouver de nouvelles recettes !
A ce sujet, il y a deux méthodes : le consensus ou le passage en force.
Le changement de la clé de répartition implique le consensus entre les trois Provinces. Je serais tout naturellement enclin à favoriser cette solution si elle pouvait recueillir l’accord des uns et des autres. Mais j’ai participé à une réunion au Gouvernement, en présence des responsables de la Province Nord et de la Province des Iles. Le Président de la Province Nord a été très clair, il est formellement opposé à toute modification de la clef de répartition ou à son contournement avant 2014.
J’ai entendu dire, qu’il avait proposé à la Province Sud de la « dépanner » en lui prêtant de l’argent. Mais dans l’état actuel des choses notre Province se trouve dans cette situation paradoxale de n’être que très peu endettée, mais de ne pas pouvoir emprunter, car nous ne pourrions pas rembourser.
Il reste donc le passage en force. Ce n’est pas mon choix initial, mais je m’y résoudrai sans état d’âme s’il semble qu’il n’y ait pas d’autre solution. Et tant qu’à faire, je préfère essayer de trouver 6 milliards de recettes supplémentaires plutôt que 3,5…
Dernier point, le nickel semble vouloir sortir du tunnel et la SLN sortir du rouge. Cela peut vous paraître étrange, mais je crains un retour trop rapide à la prospérité. « Tout ce qui ne tue pas renforce » et la cure de réduction des dépenses publiques, pour difficile qu’elle puisse être, nous laissera plus forts qu’avant. Nous sommes aujourd’hui dans l’absolue nécessité de faire des économies qui seront salutaires à long terme. Je crains qu’un retour trop rapide des recettes minières et métallurgiques ne laisse penser à nos responsables qu’ils peuvent se dispenser de faire ces efforts indispensables. Quel que soit le temps, qu’il pleuve ou qu’il fasse soleil, quelle que soit la conjoncture, difficile ou florissante, l’argent public est trop précieux, trop respectable, pour être dépensé sans compter."
Didier Leroux