Intervention dans la discussion générale
lors de l’examen du budget primitif 2012 à l’Assemblée de la Province Sud
Monsieur le Président
Monsieur le Sénateur
Monsieur le Président du Congrès
Monsieur le Commissaire Délégué
Mes chers Collègues
Mesdames et Messieurs
L’examen du budget primitif d’une collectivité est un des temps forts dans la vie de la collectivité, la séquence politique la plus importante dans son agenda social. C’est aussi l’occasion pour les élus qui la composent d’exprimer leur vision, partager leurs inquiétudes, défendre leur projet, confronter leurs idées, échanger leur connaissance, en quelques mots élaborer des politiques publiques et allumer une lueur d’espoir dans les yeux de celles et ceux qui vivent dans la précarité la plus totale ou tout simplement qui attendent de nous des gestes forts, des gestes qui les feront rêver.
C’est à cet exercice sans concession que je souhaite me livrer devant vous aujourd’hui.
Les indicateurs sont implacables. « Malgré un effort de maîtrise des dépenses de fonctionnement et des recettes favorables en 2001, les déséquilibres en prospectives financières persistent. », c’est ce que vous indiquez, Monsieur le Président, dans votre rapport de présentation du projet de budget 2012. Vous indiquez par ailleurs l’ardente nécessité de trouver des recettes pérennes pour ne pas amputer la Province de sa capacité d’investissement et ainsi la fragiliser un peu plus. Et disant cela, nos regards se tournent tout naturellement vers la clé de répartition. Ce mécanisme inégalitaire était la clé du rééquilibrage, condition de la réussite des Accords de Paix signés, il y a 23 ans.
Le bilan de l’Accord de Nouméa dont le rapport final nous a été présenté hier, est fort intéressant à ce titre. Il présente un processus de rééquilibrage globalement positif même s’il reste encore, sur un certain nombre de thématiques des améliorations à apporter.
Il en est ainsi du rééquilibrage humain. Il n’est un secret pour personne, les mouvements de population dans le sens Nord-Sud et Iles-Sud n’ont cessé, aggravant la pression démographique des Communes de l’agglomération et par la même celle de la Province Sud.
Cependant, je ne suis pas de ceux qui considèrent que le rééquilibrage n’a pas atteint ses objectifs. Il reste certes encore beaucoup à faire mais reconnaissons-le, tout de même, la Nouvelle-Calédonie a changé. Elle a changé parce que la magie des Accords de Matignon-Oudinot a permis un partage des responsabilités politiques entre des adversaires d’hier mais désormais coresponsables de l’avenir de cette terre française du Pacifique.
La Nouvelle-Calédonie a changé parce que des hommes et des femmes de bonne volonté ont su tourner les pages des affrontements pour en écrire ensemble, de nouvelles, avec des lettres nommées « espérances ».
La Nouvelle-Calédonie a changé parce que ses outils nommés Provinces, Communes, SLN, ENERCAL, SIC, FSH, CAFAT, et j’en oublie, ont intelligemment participé à la réduction de la fracture sociale et à combattre les inégalités de toutes sortes.
La Nouvelle-Calédonie a changé parce que l’Etat, partenaire fidèle et loyal, l’a accompagnée. Comme il s’y était engagé, l’Etat a tenu sa parole.
Mais nous savons bien, la répartition inégalitaire des dotations aux Provinces voulues et acceptées par les signataires des Accords de Matignon-Oudinot pour donner du sens au rééquilibrage, maître mot de ces Accords et clé de la réussite politique de cet ambitieux challenge, a produit au fil du temps un déséquilibre préjudiciable aujourd’hui à la Province Sud.
Monsieur le Président, Mes chers collègues, voici enfin venu le temps de faire le bilan de ces 23 ans de provincialisation. Il n’est pas dans mon esprit de tout remettre en cause, de disputer aux autres collectivités leurs moyens légalement obtenus, mais de rappeler certaines réalités.
Le point 1.2.3 du bilan qui a été présenté hier fait ressortir que, je cite : « l’Accord a permis un rééquilibrage des infrastructures et des services publics sur le territoire, mais son impact est plus mitigé sur les autres facettes » et d’ajouter, je cite toujours : « si des politiques volontaristes et des investissements conséquents ont permis une amélioration significative de la cohésion sociale et territoriale, le bilan met en évidence un impact mitigé sur les rééquilibrages économiques, socioprofessionnel et identitaire, qui n’ont pas été à la hauteur des aspirations de l’Accord de Nouméa. Les transferts de rééquilibrage, estimés à 250 Milliards de francs CFP (soit 150 mds au profit de la province Nord et 100 mds pour les Iles Loyauté) ont ainsi eu un impact réel en matière de cohésion, beaucoup plus limité en matière de rééquilibrage économique.»
Le constat est sans ambiguïté. Je cite encore : « Les investissements réalisés jusque-là ont en effet contribué à l’augmentation du niveau de vie et créé des conditions favorables au développement potentiel d’activités : le PIB par habitant en province Nord a augmenté de 50% en termes réels entre 1989 et 2009 ; il a été multiplié par 2,5 dans les Iles. A titre d’illustration, il faut souligner l’ampleur des investissements réalisés sur le pôle VKP. Mais en dépit de ces progrès, le rééquilibrage économique n’a pas eu lieu : le PIB de la province Nord, exprimé en pourcentage de celui de la province Sud est demeuré globalement stable sur toute la période (aux alentours des 15%) ; celui des Iles a augmenté d’un point seulement en vingt ans (de 3 à 4%). Le lent mouvement de convergence entre les provinces amorcé entre 1989 et 2004 semble arrêté depuis, alors même que les montants transférés ont sensiblement augmenté au cours des cinq dernières années.»
Le dernier recensement est sur ce sujet très instructif. Il nous apprend qu’entre 2002 et 2009, les populations des Provinces Nord et Ils ont diminué au profit de la Province Sud.
Alors, en toute objectivité et en responsabilité, interrogeons-nous sur le sens du rééquilibrage, s’il ne se fait pas au profit des populations. A quoi sert-il et à qui profite-il ? Ne devons-nous pas imaginer une autre répartition de la richesse produite par les Calédoniens pour qu’elle serve davantage à nos politiques publiques ? Comme le constate le bilan : « seules des politiques publiques volontaristes pourront accompagner le développement économique de l’ensemble des territoires ainsi que le montrent les quinze dernières années. »
C’est l’un des défis à relever que suggère aussi le bilan, je cite : « repenser les modalités du rééquilibrage.»
Il y a des évidences que nous ne pouvons plus nier. Malgré les transferts de la Métropole, malgré nos immenses potentiels économiques, le dynamisme de beaucoup de nos chefs d’entreprise, leur créativité, la capacité de production de notre tissu économique et industriel, la Nouvelle-Calédonie peine à créer davantage de richesse et de croissance. Une des causes, c’est sa sous-population. Il est en effet illusoire de croire qu’avec 250 000 habitants, nous pourrons atteindre cet objectif.
Monsieur le Président, me chers collègues. Ouvrons nos frontières, permettons à la tradition d’hospitalité des peuples de cette région du monde de jouer à plein sa vocation, pour que les lumières de l’avenir participent à la construction du pays.
N’ayons pas peur de l’avenir, n’ayons pas peur de l’aventure, une aventure maîtrisée. Le problème politique est désormais réglé. Le corps électoral pour les élections provinciales et pour le scrutin d’autodétermination est désormais figé. Le corps électoral pour les élections municipales pourrait aussi être figé. Alors de quoi aurions-nous peur ? Des créateurs de richesses ? Des créateurs d’emplois ? Des entrepreneurs ?
Il reste cependant une injustice qui me semble devoir être réparée et que nous pouvons réparer. Ce sont justement ces femmes et ces hommes qui, pour la plupart ont décidé de s’établir définitivement en Nouvelle-Calédonie et qui n’ont pas le droit de vote aux élections locales. Je propose qu’un quota de sièges dans les Assemblées de Province et au Congrès leur soient réservés. Ces représentants des exclus du corps électoral calédonien pourraient participer au débat, au vote, rendre des avis sur l’ensemble des matières de la compétence de l’Etat, de la Nouvelle-Calédonie et des Provinces à l’exception de celles engageant l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.
Il y a quelques semaines, notre assemblée adoptait un projet baptisé RHS, Restructuration de l’Habitat Spontané. Nous avions voté favorablement pour ce projet car il participe à nos yeux d’une meilleure prise en compte de l’extrême gravité des conditions de vie de beaucoup de familles. Mais, ce projet ne va pas suffisamment loin.
Monsieur le Sénateur, mes chers collègues, la presse s’est fait récemment l’écho du contenu du rapport du Rapporteur Général des lieux de privatifs de liberté à la demande du Ministre de la Justice. Je ne rentrerai pas dans le détail de celui-ci. Je citerai simplement le titre du quotidien local: « le rapport de la honte »
Il y est décrit les conditions d’hébergement des populations carcérales, puanteurs, infesté de rat et de souris, aucune intimité dans les toilettes, peut-on y lire.
Il n’est point besoin d’aller au Centre Pénitentiaire de Nouméa pour découvrir l’horreur. Il suffit d’aller dans certains logements loués par des bailleurs sociaux pour en trouver. Il suffit de se rendre dans certains logements loués par des agences privées ou des particuliers pour en voir. Il suffit de visiter certains squats pour s’en rendre compte. D’ailleurs, le bilan de l’Accord de Nouméa le relève aussi. Sur ce point, le rééquilibrage n’est pas complètement satisfaisant même si des efforts ont été observés.
Le logement est, certes un bien qui, à ce titre, obéit aux règles économiques : il serait donc à la fois illusoire et dangereux de prétendre s’en affranchir. En même temps, du fait de son impact psychologique pour les ménages et de son caractère structurant pour la vie quotidienne, le logement n’est pas un bien comme les autres, d’un bien d’équipement comme dans les dernières décennies du 20° siècle, il est devenu un vecteur de cohésion sociale et, même, aujourd’hui un droit constitutionnel. Toute politique durable du logement doit tenter de concilier ces paradoxes.
Il faut aider les ménages à se loger de manière ciblée. Il faut donc trouver une solution pour chacun avec un toit pour tous. Cela suppose de faciliter le parcours résidentiel de chaque foyer, en fonction de sa situation.
Le logement doit être au cœur de nos préoccupations.
Le logement doit cesser d’être la pierre d’achoppement pour redevenir la pierre angulaire de notre société en construction.
Comme disait André GIDE : « Choisir c’est se priver du reste »
Je vous remercie.