Monsieur le Président du Congrès
Monsieur le Président du Gouvernement
Monsieur le Sénateur
Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement
Mes chers Collègues
Mesdames et Messieurs
Alors que se termine l’année, les élus de Nouvelle-Calédonie, toutes collectivités confondues, sont appelés à adopter les budgets de leur collectivité.
Incontournable séquence du calendrier qui rythme la vie d’une collectivité, l’examen d’un budget est par sa nature, l’acte politique le plus important d’une législature.
C’est l’acte le plus fort car il affirme une ambition.
Le Congrès n’échappe pas à cette règle.
J’aurai, au cours de l’examen des différentes missions du projet de budget que vous nous présentez Monsieur le Président au nom du Gouvernement collégial, l’occasion de m’exprimer sur un certain nombre de points.
Je veux à ce stade de son examen exprimer quelques idées d’ordre général qui participent à mon sens d’une ambition que nous devrions tous partagée.
J’exhorte les calédoniens à se prendre davantage en main, à être imaginatif, à ne plus avoir peur, à s’inscrire et à s’adapter aux évolutions de cette région. Notre avenir commun n’aura de sens que parce que nous aurons été capables de nous adapter au monde qui bouge.
La Nouvelle-Calédonie est une terre promise pour qui l’aime et qui veut se donner la peine de la cultiver.
La Nouvelle-Calédonie est relativement riche. Classé au 25° rang mondial selon le FMI en matière de PIB par habitant, nous dépassons la Nouvelle-Zélande et nous suivons de prés l’Australie.
Mais cette présentation idyllique ne nous exonère pas des nécessaires réformes structurelles à prendre pour nous protéger des contrecoups de la récession qui nous guète.
Il en est ainsi de la réforme globale de la fiscalité. Et je ne peux que me réjouir, de la volonté exprimée sur tous les bancs de notre assemblée sur la nécessité de cette réforme. Nous avons même créé une Commission Spéciale dédiée à cet immense chantier. Levier indissociable de notre économie, outil de régulation de nos politiques sociales, voilà l’expression d’une ambition.
Oui, la Nouvelle-Calédonie doit réformer sa fiscalité. Elle doit être au service des Calédoniens. Elle doit être au service de l’économie, c'est-à-dire moderne, à l’image de ce monde qui bouge. Mais une fiscalité moderne, ce n’est pas seulement une fiscalité qui rapporte le maximum d’argent, c’est aussi une fiscalité plus juste et mieux répartie. A ce titre, je regrette qu’au pays du dialogue, du palabre et du consensus, l’examen d’un texte aussi important concernant la création de la Taxe Générale sur les Activités (TGA), la commission dédiée n’ait pas préalablement procédé à des auditions ou des consultations des acteurs calédoniens, notamment économiques et sociaux. La précipitation dans laquelle s’est inscrit l’examen de ce projet, a fait ressortir l’insuffisante information des membres de la commission. Beaucoup d’éléments nous ont cruellement fait défaut pour une meilleure prégnance de ce projet.
De plus, Monsieur le Président du Congrès, ce que j’ai pu relever comme une forme de confusion entre les deux Commissions, celle présidée par notre collègue Pierre BRETEGNIER et celle présidée par Caroline MACHORO, me semble préjudiciable au fonctionnement de l’une et l’autre des commissions et à tout le moins source de lourdeur, voire d’incompréhension. Ce ne sont pas les qualités personnelles des deux présidents qui sont en cause, c’est le partage des missions entre les deux commissions qu’il faut sans doute préciser. Leur efficacité y gagnerait, j’en suis certain.
J’invite le Congrès à prendre sa place, toute sa place sur l’échelle des institutions de la Nouvelle-Calédonie. Il est son Parlement. Il bénéficie à ce titre d’une totale autonomie par rapport à l’Exécutif. Il définit lui-même ses propres règles de fonctionnement que la loi n’aurait pas fait. Il doit se définir non pas comme un concurrent du Gouvernement mais comme complémentaire à lui. Sous d’autres cieux certains n’avaient-ils pas suggéré la coproduction ?
On est toujours plus fort quand on est deux que quand on est seul, devrai-je dire.
Le coup de force de l’Intersyndicale, véritable prise d’otage démocratique des institutions de la Nouvelle-Calédonie n’aurait pas eu lieu si la carence des Exécutifs successifs avait pu être opportunément supplée par le Congrès.
Comment le Gouvernement et le Congrès ont-ils pu se faire imposer un ordre du jour ? Du préambule, à la méthode en passant par le calendrier et les thèmes, l’intersyndicale ne nous a pas laissé le choix.
La lutte contre la vie chère devient ainsi, au cœur des préoccupations calédoniennes, une priorité.
Une Commission Spéciale pour l’élaboration et le suivi d’accords économiques et sociaux a donc été crée pour tenter d’y répondre. Voici quatre mois que la commission a été créée. La lourdeur de son fonctionnement et la méthode de travail retenue, qui est sans cesse rediscutée, ne peuvent que favoriser de la perte en ligne. Les bancs se sont un peu clairsemés ces dernières réunions. Etait-ce le but recherché ? Et pourtant, le sujet vaut bien un consensus entre toutes et tous. Du résultat de nos réflexions et de nos échanges viendront les solutions qui redonneront de la dignité au plus grand nombre. Où en sommes-nous ? J’espère Monsieur le Président du Congrès, que vous pourrez nous en dire un peu aujourd’hui.
En cette période de fêtes, ayons une pensée pour les plus faibles. Pensons à l’héritage que nous transmettrons à nos enfants. Car n’oublions jamais que les décisions que nous prendrons, pire ce que nous ne ferons pas aujourd’hui, ce sont les générations futures qui auront la lourde tâche de solder. Nous condamnons ainsi nos propres enfants à travailler pour réparer nos turpitudes d’aujourd’hui et nous les condamnons surtout à ne jamais connaître le sens du mot « solidarité ».
Monsieur le Président du Gouvernement, un autre dossier est actuellement en souffrance sur la route des Artifices menant à la pointe de l’Artillerie. C’est vrai qu’avec des noms comme ça, je comprends que personne n’en veuille, il est chaud. Je veux parler de la fonction publique.
Voilà un dossier qu’il faut absolument prendre en main. Je rappellerai seulement quelques chiffres concernant ce pan de notre économie. Les 16000 agents publics régis par 27 statuts, qu’emploient les différentes collectivités et leurs établissements publics, représentent 8O milliards de francs CFP de masse salariale. C’est presque la moitié de la totalité des impôts et taxes payés par les calédoniens, tout contribuable confondu, soient 180 milliards de francs. Le transfert prochain de l’Enseignement secondaire, c’est potentiellement 4000 agents supplémentaires et 45 milliards de francs de charges supplémentaires. C’est vous dire l’importance et l’urgence qu’il convient de donner à ce dossier. Les employeurs publics et les organisations syndicales sont en attente de la Réforme annoncée à laquelle ils veulent prendre part.
Monsieur le Président du Congrès, Monsieur le Président du Gouvernement, Mes chers collègues, la semaine dernière, le Comité de Pilotage sur le bilan de l’Accord de Nouméa prenait connaissance du résultat définitif de l’étude commandée à un cabinet privé. Il est fort intéressant à plusieurs titres.
Il présente un processus de rééquilibrage globalement positif même s’il reste encore, sur un certain nombre de thématiques des améliorations à apporter.
Il en est ainsi du rééquilibrage humain. Il n’est un secret pour personne, les mouvements de population dans le sens Nord-Sud et Iles-Sud n’ont cessé, aggravant la pression démographique des Communes de l’agglomération et par la même celle de la Province Sud.
Cependant, je ne suis pas de ceux qui considèrent que le rééquilibrage n’a pas atteint ses objectifs. Il reste certes encore beaucoup à faire mais reconnaissons-le, tout de même, la Nouvelle-Calédonie a changé.
Elle a changé parce que la magie des Accords de Matignon-Oudinot a permis un partage des responsabilités politiques entre des adversaires d’hier mais désormais coresponsables de l’avenir de cette terre française du Pacifique.
La Nouvelle-Calédonie a changé parce que des hommes et des femmes de bonne volonté ont su tourner les pages des affrontements pour en écrire ensemble, de nouvelles, avec des lettres nommées « espérances ».
La Nouvelle-Calédonie a changé parce que ses outils nommés Gouvernement, Congrès, Provinces, Communes, Syndicat Intercommunal, SLN, ENERCAL, SIC, FSH, CAFAT, ASS, et j’en oublie, ont intelligemment participé à la réduction de la fracture sociale et à combattre les inégalités de toutes sortes.
La Nouvelle-Calédonie a changé parce que l’Etat, partenaire fidèle et loyal, l’a accompagnée. Comme il s’y était engagé, l’Etat a tenu sa parole.
Mais nous savons bien, la répartition inégalitaire des dotations aux Provinces voulues et acceptées par les signataires des Accords de Matignon-Oudinot pour donner du sens au rééquilibrage, maître mot de ces Accords, clé de la réussite politique de cet ambitieux challenge et condition de la réussite des Accords de Paix signés, il y a 23 ans, a produit au fil du temps un déséquilibre qu’il convient désormais de corriger.
Monsieur le Président, Mes chers collègues, voici enfin venu le temps de faire le bilan de ces deux décennies de provincialisation.
Il n’est pas dans mon esprit de tout remettre en cause, de disputer aux autres collectivités leurs moyens légalement obtenus, mais de rappeler certaines réalités.
Le point 1.2.3 du bilan fait ressortir que, je cite : « l’Accord a permis un rééquilibrage des infrastructures et des services publics sur le territoire, mais son impact est plus mitigé sur les autres facettes » et d’ajouter, je cite toujours : « si des politiques volontaristes et des investissements conséquents ont permis une amélioration significative de la cohésion sociale et territoriale, le bilan met en évidence un impact mitigé sur les rééquilibrages économiques, socioprofessionnel et identitaire, qui n’ont pas été à la hauteur des aspirations de l’Accord de Nouméa. Les transferts de rééquilibrage, estimés à 250 Milliards de francs CFP (soit 150 mds au profit de la province Nord et 100 mds pour les Iles Loyauté) ont ainsi eu un impact réel en matière de cohésion, beaucoup plus limité en matière de rééquilibrage économique.»
Le constat est sans ambiguïté. Je cite encore : « Les investissements réalisés jusque-là ont en effet contribué à l’augmentation du niveau de vie et créé des conditions favorables au développement potentiel d’activités : le PIB par habitant en province Nord a augmenté de 50% en termes réels entre 1989 et 2009 ; il a été multiplié par 2,5 dans les Iles. A titre d’illustration, il faut souligner l’ampleur des investissements réalisés sur le pôle VKP. Mais en dépit de ces progrès, le rééquilibrage économique n’a pas eu lieu : le PIB de la province Nord, exprimé en pourcentage de celui de la province Sud est demeuré globalement stable sur toute la période (aux alentours des 15%) ; celui des Iles a augmenté d’un point seulement en vingt ans (de 3 à 4%). Le lent mouvement de convergence entre les provinces amorcé entre 1989 et 2004 semble arrêté depuis, alors même que les montants transférés ont sensiblement augmenté au cours des cinq dernières années.»
Le dernier recensement est sur ce sujet très instructif. Il nous apprend qu’entre 2002 et 2009, les populations des Provinces Nord et Iles ont diminué au profit de la Province Sud.
Alors, en toute objectivité et en responsabilité, interrogeons-nous sur le sens du rééquilibrage, s’il ne se fait pas au profit des populations. A quoi sert-il et à qui profite-il ? Ne devons-nous pas imaginer une autre répartition de la richesse produite par les Calédoniens pour qu’elle serve davantage à nos politiques publiques ? Comme le constate le bilan : « seules des politiques publiques volontaristes pourront accompagner le développement économique de l’ensemble des territoires ainsi que le montrent les quinze dernières années. »
C’est l’un des défis à relever que suggère aussi le bilan, je cite : « repenser les modalités du rééquilibrage.»
Il y a des évidences que nous ne pouvons plus nier. Malgré les transferts de la Métropole, malgré nos immenses potentiels économiques, le dynamisme de beaucoup de nos chefs d’entreprise, leur créativité, la capacité de production de notre tissu économique et industriel, la Nouvelle-Calédonie peine à créer davantage de richesse et de croissance. Une des causes, c’est sa sous-population. Il est en effet illusoire de croire qu’avec 250 000 habitants, nous pourrons atteindre cet objectif.
Monsieur le Président, me chers collègues,
Ouvrons nos frontières pour que les lumières de l’avenir participent à la construction du pays.
N’ayons pas peur de l’avenir, n’ayons pas peur de l’aventure, une aventure maîtrisée. Le problème politique est désormais réglé. Le corps électoral pour les élections provinciales et pour le scrutin d’autodétermination est désormais figé. Le corps électoral pour les élections municipales pourrait aussi être figé. Alors de quoi aurions-nous peur ? Des créateurs de richesses ? Des créateurs d’emplois ? Des entrepreneurs ?
C’est conscient de cette situation que la Nouvelle-Calédonie doit se prendre davantage en main car la solidarité nationale ne durera pas éternellement.
La France, chacun l’a compris, ne peut plus faire face à toutes ses obligations.
La France n’a plus les moyens.
Longtemps, la solidarité a joué dans un sens. Voici venu le temps de la réciprocité. Notre devoir aujourd’hui est d’ouvrir notre cœur.
« Terre de parole, terre de partage » c’est la devise de la Nouvelle-Calédonie. Elle aurait pu aussi être « Terre d’accueil, terre de partage, devenons frère ».
Nous avons limité aux seuls calédoniens justifiant de 20 ans de présence dans le pays, le droit de vote aux élections provinciales et au référendum. Nous avons institué une citoyenneté calédonienne qui trouve son essence dans le corps électoral spécial. Nous avons réservé les emplois aux seuls citoyens calédoniens. N’est-il pas temps pour nous de lever la tête et de regarder devant? Certes connaître son passé est nécessaire mais c’est désormais au loin qu’il faut regarder. Notre passé, la France, par sa Constitution, l’a reconnu. Nous disposons désormais des moyens juridiques notamment pour penser et construire l’avenir.
Aucun citoyen du monde, plus personne ne devra se sentir exclus voire marginalisé au « Pays où l’hospitalité est un héritage de la nuit des temps ». Accueillons, partageons et devenons frère avec les 20 000 exclus du corps électoral spécial. Permettons-leur d'être représentés dans les différentes assemblées, au Congrès et à la Province.
On pourrait ainsi imaginer qu’un quota de poste leur soit réservé dans chacune des assemblées. On pourrait également imaginer que ces élus participent à toutes les délibérations portant sur des matières de la compétence de la Nouvelle-Calédonie et des Provinces, rendre des avis sur des matières relevant de la compétence de l’Etat, à l’exception toutefois de celles concernant l’organisation des scrutins d’autodétermination et à toutes celles ayant un lien direct avec l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. On pourrait ainsi imaginer qu'ils seront élus par le corps électoral constitué des exclus du corps électoral spécial.
« Terre d'accueil, terre de partage, devenons frère » ouvrons notre cœur et donnons un sens à notre devise.
Monsieur le Président, mes chers collègues, j’ai été trop long et je m’en excuse. Mais, comme je le disais en préambule, cette occasion est rare. J’aurai l’occasion tout à l’heure si vous me le permettez de faire deux propositions sur deux points particuliers du projet de budget.
Je vous remercie.