Madoÿ publie ici une retranscription "mot à mot" d'une interview de Déwé Gorodey sur la radio nationaliste Djiido le jeudi 24 mars 2011 dans le cadre de "l'invitée du jeudi". Rappelons que cette retranscription a été réalisée par la cellule comm de l'Assemblée de la Province Sud.
Djiido...
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"Journaliste : Madame Gorodey, bonjour et merci d'avoir accepté notre invitation.
Déwé Gorodey : Bonjour Romain, et bonjour auditrices et auditeurs de Radio Djiido.
Journaliste : Madame Gorodey, nous allons parler de cette crise politico-institutionnelle et les démissions à répétition de Calédonie ensemble. C'est quoi votre sentiment ?
Déwé Gorodey : Alors, évidemment, actuellement, dans la démission à répétition de Calédonie ensemble, moi, je voudrais d'abord rappeler que ces tentatives de déstabilisation du gouvernement actuel ont eu un début qui était, au départ, un règlement de comptes en interne de l'UC, qui voulait dégommer ses trois ministres, à savoir messieurs d'Anglebermes, Devillers et Pierre Ngaiohni et donc, de faire d'une pierre deux coups, dégommer en même temps l'ancien président du gouvernement, c'est-à-dire Philippe Gomès. Et après, c'est la démarche dans laquelle est Philippe Gomès aujourd'hui, qui est de continuer la déstabilisation qui, au départ, a été le fait d'une décision du comité directeur de l'UC à Thio.
Journaliste : Les différents élus politiques ont exprimé leur lassitude de voir ces démissions à répétition, quand même.
Déwé Gorodey : Oui, effectivement, il y a une lassitude. Alors, je rappelle que pour nous, à l'UNI, on est dans la mise en œuvre de l'Accord de Nouméa, depuis la signature de l'Accord de Nouméa en 1998. Et notre travail au gouvernement s'inscrit avec cette feuille de route et dans ce cadre-là. Ce qu'il y a aujourd'hui, je répète, on est dans des histoires de règlements de comptes politiques et ça ne fait pas avancer la mise en œuvre de l'Accord de Nouméa, ni les réponses qu'on doit donner aux problèmes sociaux qui s'expriment actuellement.
Journaliste : On a l'impression que les gens ne réagissent pas par rapport à cela. Qu'est-ce que vous pensez, vous ?
Déwé Gorodey : Je pense que, tôt ou tard, la population, elle devra exprimer son ras-le-bol de ces jeux de quilles et de billes auxquels s'adonnent actuellement les politiciens qui ont le temps, peut-être, de faire ça. Moi, je l'ai dit précédemment dans une émission de télévision, que je n'ai pas le temps pour tout ça, notamment parce que le temps avance, et nous avons un calendrier avec la date de 2014 pour les prochaines élections provinciales, parce que les prochaines élections, c'est en 2014, c'est pas demain ou après-demain. Et après, entre 2014 et 2018, doit se tenir le référendum sur les cinq compétences dites régaliennes, qui est prévu par l'Accord de Nouméa.
Journaliste : Il n'y aura pas d'élection avant 2014. Vous êtes sûre de cela ?
Déwé Gorodey : En tout cas, j'ai entendu le représentant de l'État dire à notre dernière réunion, mardi, en l'occurrence le secrétaire général, qui a dit que l'État, dans cette affaire, est le garant des institutions, donc, signataire de l'Accord de Nouméa, qui protégera les institutions, et il ne cautionnera pas que l'on continue à déstabiliser les institutions.
Journaliste : On a l'impression que la droite loyaliste locale joue avec une institution, avec cet exécutif du pays qui a son importance dans l'Accord de Nouméa.
Déwé Gorodey : Oui, elle joue avec, parce qu'il faut rappeler que la droite locale n'était pas d'accord dans les discussions de l'Accord de Nouméa pour qu'il y ait un gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. C'est normal, ils sont anti indépendantistes. Et donc, c'est une revendication du FLNKS, et l'existence du gouvernement est un acquis de la lutte du peuple kanak et du FLNKS. Alors, qu'on se mette à jouer, maintenant dans cette institution et l'utiliser pour régler ses problèmes internes ne m'étonne pas.
Journaliste : Vous êtes membre du gouvernement depuis le premier gouvernement, en 2000. Vous avez toujours les mêmes portefeuilles. Est-ce que vous pouvez nous rappeler ces portefeuilles ?
Déwé Gorodey : Au premier gouvernement Frogier, j'étais chargée de la jeunesse de la culture et des sports. Ensuite, à partir de 2001, j'étais chargée de la culture et de la citoyenneté, auxquelles s'est ajoutée la condition féminine, en 2004, avec l'application de la loi paritaire pour les femmes de ce pays. Et dans l'actuel gouvernement Martin, il a été décidé, donc en plus du secteur, de participer à la coordination des différents pôles, qui sont, en fait, des réunions de travail sur les dossiers transversaux, et en ce sens, je participerai à la coordination du suivi des décisions du comité des signataires de l'Accord de Nouméa, et à la coordination de la politique du gouvernement avec les provinces. Voilà donc, ce que j'ai actuellement dans mes portefeuilles. Pour continuer, Romain, sur le rappel sur ce qui était inscrit dans l'Accord de Nouméa et ce que nous avons fait, je rappellerai la mise en place de la SACENC, parce que c'était très, très important que nos auteurs-compositeurs bénéficient de leur droit intellectuel. Je rappellerai évidemment les organisations des festivals dans le cadre de notre ouverture sur le Pacifique, sur notre région. Je rappellerai aussi le travail qui a été fait sur les signes identitaires, parce que c'est inscrit dans l'Accord de Nouméa. Il y a aussi la mise en place de l'académie des langues kanakes, et, en tout cas, ce qui nous reste actuellement, les deux dossiers que nous sommes en train de porter actuellement, c'est un projet de loi de pays sur la protection des savoirs traditionnels et un projet de loi de pays aussi sur le statut des artistes. Voilà, en résumé.
Journaliste : C'est un bien de poursuivre avec la même personne dans ce genre d'exécutif parce que les dossiers se suivent. C'est une chance pour vous parce que vous êtes là depuis 2000 et vous avez toujours eu les mêmes secteurs.
Déwé Gorodey : Oui, tout à fait. En fait, pour appliquer son programme politique, il faut durer. Il faut pas faire le va-et-vient, il faut pas sortir, démissionner, parce que les propositions de démission, ça ne date pas de maintenant. Déjà sous le gouvernement Frogier, on nous avait proposé de démissionner, et moi, je n'ai jamais accepté, parce que, justement, cinq ans, vous savez, c'est pas long. Cinq ans, on va dire qu'en cinq ans on a, au plus, trois ans pour appliquer le programme électoral. Donc, je répète : il vaut mieux durer en politique pour pouvoir appliquer le programme électoral qu'on a expliqué aux gens.
Journaliste : C'est un message important que vous lancez auprès des jeunes qui vont sûrement intégrer la vie politique, et surtout travailler dans ce qui va se faire pour l'avenir du pays.
Déwé Gorodey : Tout à fait. Il y a des jeunes maintenant qui sont sur des postes au gouvernement, et moi, je salue les jeunes qui veulent la responsabilité à certains niveaux, parce que de toute façon, nous, les vieux, on s'en ira, demain ou après-demain, et le pays va continuer à vivre, la politique va continuer, et il faut des jeunes qui acceptent d'assumer (?) responsabilités pour la construction du pays.
Journaliste : Vous avez parlé de pôles. C'est une nouvelle forme d'organisation au sein du gouvernement, peut-être pour améliorer la collégialité ?
Déwé Gorodey : Au départ, quand nous sommes arrivés, en 1999, je disais qu'on était à l'école de la collégialité, il y a douze ans maintenant, et la collégialité s'est améliorée, d'année en année, et donc on a partagé de plus en plus la gestion des dossiers transversaux, et donc, le pôle va dans cette démarche-là.
Journaliste : C'est important, surtout quand il y a des difficultés.
Déwé Gorodey : Disons qu'actuellement, on est dans les affaires courantes, on n'est pas encore dans les gros dossiers puisqu'il y a eu plusieurs démissions, et on sait pas quand est-ce que ça va s'arrêter.
Journaliste : La journée de la femme a été bien suivie dans le pays. À l'initiative du gouvernement elle s'est faite du côté de Canala. Une réussite, pour vous ?
Déwé Gorodey : La journée internationale de la femme mobilise de plus en plus de femmes et pas seulement de femmes, de jeunes gens et de coutumiers, parce que ces années, on a travaillé, j'ai eu aussi le secteur des affaires coutumières, et on a pris l'habitude de travailler avec les coutumiers, de les consulter et surtout sur la question des femmes, parce que la question des femmes, il faut discuter avec les coutumiers, à la base puisque nous savons que nous, les femmes kanakes, on a un statut dans nos cultures, comme dans les cultures océaniennes et dans les cultures des peuples premiers.
Journaliste : Le secteur de la condition féminine a été mis en place lors de la dernière mandature.
Déwé Gorodey : Oui, et dans le secteur de la condition féminine on est toujours, et surtout en ce moment, à continuer à travailler contre les violences faites aux femmes et contre toutes les discriminations faites aux femmes pour lesquelles on a mis en place ce qu'on appelle le comité SEDEF, et on continue aussi à inciter les femmes à se former pour les métiers dits d'hommes, pour participer au développement de leur pays, et pour la dernière journée internationale de la femme, à Canala, c'était sur le thème de la femme dans l'économie formelle et informelle, parce que, effectivement, l'économie informelle, elles y sont très impliquées.
Journaliste : Les associations de femmes ont aussi organisé des journées de débats ou de discussions.
Déwé Gorodey : Oui, et c'est très important que les femmes prennent cette initiative-là, parce que c'est sûr que tout le monde ne peut pas se déplacer dans les lieux où on fait la journée internationale de la femme, parce qu'on la déplace de province en province, chaque année, et c'est important, le débat et la discussion, et c'est pour ça que depuis le départ nous avons voulu donner à cette journée de la femme un caractère, non seulement culturel, mais aussi un caractère économique où les femmes peuvent écouler les produits de leur travail, et c'est ce qui s'est fait à Canala, avec ce qu'on appelle le grand marché des femmes du pays, et aussi que ça soit un espace de discussion parce qu'il est important de parler, de définir ensemble des objectifs, de voir ensemble où on est et où on va.
Journaliste : Est-ce que les questions sur le drapeau et le nom du pays vont très vite ? Comment vous voyez ces signes identitaires au moment où on parle ?
Déwé Gorodey : Au moment où on parle, c'est vrai que les travaux du comité de pilotage que je présidais sur les signes identitaires ont amené au vote du Congrès sur la devise, l'hymne et le nouveau graphisme des billets de banque. La question du drapeau et du nom du pays n'ont pas pu aboutir, à l'intérieur de ce comité de pilotage, parce que il y avait une proposition du FLNKS qui disait qu'il faut lever les deux drapeaux pendant la période transitoire, et une proposition du FLNKS aussi qui disait : le nom du pays c'est Kanaky-Nouvelle-Calédonie. Et à l'intérieur du comité de pilotage, c'était l'UMP qui avait bloqué la discussion à ce moment-là. Et donc, s'il y a discussion à l'intérieur du comité de pilotage où la démarche que nous avons adoptée est une démarche participative, c'est-à-dire avec la réflexion, le débat avec les citoyens, et donc, j'ai considéré qu'on n'était plus dans cette démarche-là, que c'était plutôt une position politique, et donc, à ce moment-là, il faut aller dans une instance politique pour parler de la question du drapeau et de la question du nom du pays. Voilà.
Journaliste : Pour vous, vous pensez que le drapeau de Kanaky doit être le drapeau du pays ?
Déwé Gorodey : Il y a un projet de loi de l'UC qui veut faire voter le Congrès sur le drapeau Kanaky, comme on l'appelle, et la position de mon parti, le Palika, c'est de voter ce projet de loi parce que, effectivement, depuis la période des événements, c'est le drapeau kanak dans lequel le peuple kanak se reconnaît. C'est le drapeau du peuple de ce pays dans lequel se reconnaissent aussi d'autres. Pour nous, c'est normal que le drapeau kanak soit le signe identitaire de ce pays, puisque ce pays, c'est le pays des Kanaks, et on a fait des concessions politiques importantes, à Nainville-les-Roches, en 1983, où nous avons dit que ceux qui sont arrivés, de gré ou de force, dans ce pays sont (?) des victimes de l'histoire. On n'est pas allé au-delà avec la signature de l'Accord de Nouméa, en disant que nous avons à construire ensemble la citoyenneté de ce pays. Voilà les concessions que le peuple kanak a faites.
Journaliste : On va parler de livres, une mission que vous avez faite la semaine dernière à Paris. Vous nous expliquez ce déplacement ?
Déwé Gorodey : Normalement nous envoyons une délégation, tous les ans, depuis 2066, sur le salon du livre de Paris, parce que, au départ, quand il y avait le salon du livre de l'outre-mer, nous, on était pratiquement dans un placard. On avait droit qu'à une table dans un coin. et, nous, ça nous a pas plu et, à ce moment-là, j'ai proposé qu'on ait un stand Océanie, c'est-à-dire avec la Polynésie française et avec Wallis et Futuna, pour qu'on soit ensemble dans ce salon-là, et d'ailleurs le salon du livre de l'outre-mer a été supprimé depuis, et donc, par contre, cette année, c'est particulier : nous avons été invités dans le cadre de l'année des outre-mer, dont le commissaire est monsieur Daniel Maximin, écrivain antillais, qui a insisté fortement pour qu'il y ait une forte délégation de notre pays à ce salon du livre. Il y a d'autres espaces aussi, sur lesquels on ira dans le cadre de l'année des outre-mer, il y a un espace pour les athlètes et les artistes aussi, en juin, à La Villette, il y a un autre espace, en novembre, pour l'association (Ka?) 2011, c'est-à-dire des descendants des Kabyles de Bourail qui ont fait cette association pour pouvoir participer en novembre, avec le partenariat de la Maison de la Nouvelle-Calédonie, à cette année de l'outre-mer et aussi avec le partenariat de l'institut du monde arabe. Il y a cet espace-là, et il y a aussi un dernier espace, en décembre qui est un espace consacré à nos langues, et ce sera (?).
Journaliste : L'année des outre-mer c'est une reconnaissance des outre-mer ou pas pour vous ?
Déwé Gorodey : On a eu un débat, là-bas, où on a…, en tout cas, pour ma part, je constate que peut-être, qu'il y a aussi des relations à redéfinir, et aussi des mots à redéfinir, parce que vous savez, quand on dit l'outre-mer, c'est très vague, c'est la nébuleuse, ça. Mais personne ne sait encore, là-bas, où se trouve la Nouvelle-Calédonie, ou se trouve la Guyane, quelque fois on pense qu'on est dans la mer des Caraïbes, ou au large du Maroc, je sais pas. Mais il faudra que la France, elle redéfinisse aussi les termes. Les termes qu'elle a employés vis-à-vis de nous, l'outre-mer, donc, revoir ce terme, parce que comme dit, l'outre-mer, c'est très vague, c'est nébuleux. Et puis, c'est vrai que, nous définir comme ça, dans un pareil mot, qui ne veut rien dire, en fait, c'est toujours continuer…
Journaliste : C'est réductif.
Déwé Gorodey : C'est réductif. Et continuer ce que j'appelle l'imagerie coloniale, où à un moment donné, on parlait du cannibale, du sauvage, du bon sauvage, après on nous a appelés les Kanaks, c'était péjoratif, et après on nous a appelés les autochtones, après on nous a appelés les Mélanésiens, et donc, si ça continue comme ça, si justement, globalement, on nous considère par ce terme qui est très vague, quel sera le prochain terme par lequel on va nous appeler ? Mais, en dehors de ça, heureusement qu'on s'est revendiqué le mot Kanak, avec un K.
Journaliste : Il y a eu des jeunes Kanaks dans le salon du livre de Paris.
Déwé Gorodey : C'est tout un honneur pour nous, les vieux, de voir que les jeunes prennent la relève en littérature.
Journaliste : Et qui ne suffit pas.
Déwé Gorodey : Il faut continuer et il faut aussi que la filière du livre soit revue, ici, parce qu'on a demandé une étude sur la filière du livre, parce que vous savez que le livre est très, très cher, et il y a eu donc des préconisations, des propositions de ceux qui ont fait cette étude pour qu'on revoit un peu la filière du livre ici.
Journaliste : Est-ce que les éditeurs de livres sont aussi considérés dans la SACENC ?
Déwé Gorodey : Ce qu'on a prévu, au départ, avec la SACENC, c'est d'y introduire tous les autres domaines artistiques, comme aussi pour le (?) qui est le (?) d'exportation de la musique du pays, et aussi des autres domaines artistiques, parce que nous avons estimé que notre pays est petit, que le marché est réduit, et qu'il ne faut pas, qu'il n'est pas nécessaire qu'à chaque fois, on fasse une société par catégorie artistique.
Journaliste : Pour terminer : même s'il y a les démissions, vous avez parlé des affaires courantes.
Déwé Gorodey : Donc, on est dans les affaires courantes, alors, ça veut dire qu'il y a des conseils d'administration qu'on continue à faire, ça veut dire qu'on continue sur certaines opérations qui étaient inscrites au budget, comme récemment la journée de la femme. En tout cas, ce que j'espère, c'est que la déstabilisation s'arrête au plus tôt, pour qu'on continue à mettre en œuvre l'Accord de Nouméa pour lequel on est là où on est.
Journaliste : Nous sommes au premier mois de l'année scolaire. Vous avez un message à lancer auprès de ces jeunes, de ces élèves ?
Déwé Gorodey : Je lance le même message que je leur ai toujours dit quand j'étais professeur de français, à savoir qu'il faut aller le plus loin possible dans nos études parce que demain, la responsabilité du pays sera entre vos mains.
"Journaliste : Madame Gorodey, bonjour et merci d'avoir accepté notre invitation.
Déwé Gorodey : Bonjour Romain, et bonjour auditrices et auditeurs de Radio Djiido.
Journaliste : Madame Gorodey, nous allons parler de cette crise politico-institutionnelle et les démissions à répétition de Calédonie ensemble. C'est quoi votre sentiment ?
Déwé Gorodey : Alors, évidemment, actuellement, dans la démission à répétition de Calédonie ensemble, moi, je voudrais d'abord rappeler que ces tentatives de déstabilisation du gouvernement actuel ont eu un début qui était, au départ, un règlement de comptes en interne de l'UC, qui voulait dégommer ses trois ministres, à savoir messieurs d'Anglebermes, Devillers et Pierre Ngaiohni et donc, de faire d'une pierre deux coups, dégommer en même temps l'ancien président du gouvernement, c'est-à-dire Philippe Gomès. Et après, c'est la démarche dans laquelle est Philippe Gomès aujourd'hui, qui est de continuer la déstabilisation qui, au départ, a été le fait d'une décision du comité directeur de l'UC à Thio.
Journaliste : Les différents élus politiques ont exprimé leur lassitude de voir ces démissions à répétition, quand même.
Déwé Gorodey : Oui, effectivement, il y a une lassitude. Alors, je rappelle que pour nous, à l'UNI, on est dans la mise en œuvre de l'Accord de Nouméa, depuis la signature de l'Accord de Nouméa en 1998. Et notre travail au gouvernement s'inscrit avec cette feuille de route et dans ce cadre-là. Ce qu'il y a aujourd'hui, je répète, on est dans des histoires de règlements de comptes politiques et ça ne fait pas avancer la mise en œuvre de l'Accord de Nouméa, ni les réponses qu'on doit donner aux problèmes sociaux qui s'expriment actuellement.
Journaliste : On a l'impression que les gens ne réagissent pas par rapport à cela. Qu'est-ce que vous pensez, vous ?
Déwé Gorodey : Je pense que, tôt ou tard, la population, elle devra exprimer son ras-le-bol de ces jeux de quilles et de billes auxquels s'adonnent actuellement les politiciens qui ont le temps, peut-être, de faire ça. Moi, je l'ai dit précédemment dans une émission de télévision, que je n'ai pas le temps pour tout ça, notamment parce que le temps avance, et nous avons un calendrier avec la date de 2014 pour les prochaines élections provinciales, parce que les prochaines élections, c'est en 2014, c'est pas demain ou après-demain. Et après, entre 2014 et 2018, doit se tenir le référendum sur les cinq compétences dites régaliennes, qui est prévu par l'Accord de Nouméa.
Journaliste : Il n'y aura pas d'élection avant 2014. Vous êtes sûre de cela ?
Déwé Gorodey : En tout cas, j'ai entendu le représentant de l'État dire à notre dernière réunion, mardi, en l'occurrence le secrétaire général, qui a dit que l'État, dans cette affaire, est le garant des institutions, donc, signataire de l'Accord de Nouméa, qui protégera les institutions, et il ne cautionnera pas que l'on continue à déstabiliser les institutions.
Journaliste : On a l'impression que la droite loyaliste locale joue avec une institution, avec cet exécutif du pays qui a son importance dans l'Accord de Nouméa.
Déwé Gorodey : Oui, elle joue avec, parce qu'il faut rappeler que la droite locale n'était pas d'accord dans les discussions de l'Accord de Nouméa pour qu'il y ait un gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. C'est normal, ils sont anti indépendantistes. Et donc, c'est une revendication du FLNKS, et l'existence du gouvernement est un acquis de la lutte du peuple kanak et du FLNKS. Alors, qu'on se mette à jouer, maintenant dans cette institution et l'utiliser pour régler ses problèmes internes ne m'étonne pas.
Journaliste : Vous êtes membre du gouvernement depuis le premier gouvernement, en 2000. Vous avez toujours les mêmes portefeuilles. Est-ce que vous pouvez nous rappeler ces portefeuilles ?
Déwé Gorodey : Au premier gouvernement Frogier, j'étais chargée de la jeunesse de la culture et des sports. Ensuite, à partir de 2001, j'étais chargée de la culture et de la citoyenneté, auxquelles s'est ajoutée la condition féminine, en 2004, avec l'application de la loi paritaire pour les femmes de ce pays. Et dans l'actuel gouvernement Martin, il a été décidé, donc en plus du secteur, de participer à la coordination des différents pôles, qui sont, en fait, des réunions de travail sur les dossiers transversaux, et en ce sens, je participerai à la coordination du suivi des décisions du comité des signataires de l'Accord de Nouméa, et à la coordination de la politique du gouvernement avec les provinces. Voilà donc, ce que j'ai actuellement dans mes portefeuilles. Pour continuer, Romain, sur le rappel sur ce qui était inscrit dans l'Accord de Nouméa et ce que nous avons fait, je rappellerai la mise en place de la SACENC, parce que c'était très, très important que nos auteurs-compositeurs bénéficient de leur droit intellectuel. Je rappellerai évidemment les organisations des festivals dans le cadre de notre ouverture sur le Pacifique, sur notre région. Je rappellerai aussi le travail qui a été fait sur les signes identitaires, parce que c'est inscrit dans l'Accord de Nouméa. Il y a aussi la mise en place de l'académie des langues kanakes, et, en tout cas, ce qui nous reste actuellement, les deux dossiers que nous sommes en train de porter actuellement, c'est un projet de loi de pays sur la protection des savoirs traditionnels et un projet de loi de pays aussi sur le statut des artistes. Voilà, en résumé.
Journaliste : C'est un bien de poursuivre avec la même personne dans ce genre d'exécutif parce que les dossiers se suivent. C'est une chance pour vous parce que vous êtes là depuis 2000 et vous avez toujours eu les mêmes secteurs.
Déwé Gorodey : Oui, tout à fait. En fait, pour appliquer son programme politique, il faut durer. Il faut pas faire le va-et-vient, il faut pas sortir, démissionner, parce que les propositions de démission, ça ne date pas de maintenant. Déjà sous le gouvernement Frogier, on nous avait proposé de démissionner, et moi, je n'ai jamais accepté, parce que, justement, cinq ans, vous savez, c'est pas long. Cinq ans, on va dire qu'en cinq ans on a, au plus, trois ans pour appliquer le programme électoral. Donc, je répète : il vaut mieux durer en politique pour pouvoir appliquer le programme électoral qu'on a expliqué aux gens.
Journaliste : C'est un message important que vous lancez auprès des jeunes qui vont sûrement intégrer la vie politique, et surtout travailler dans ce qui va se faire pour l'avenir du pays.
Déwé Gorodey : Tout à fait. Il y a des jeunes maintenant qui sont sur des postes au gouvernement, et moi, je salue les jeunes qui veulent la responsabilité à certains niveaux, parce que de toute façon, nous, les vieux, on s'en ira, demain ou après-demain, et le pays va continuer à vivre, la politique va continuer, et il faut des jeunes qui acceptent d'assumer (?) responsabilités pour la construction du pays.
Journaliste : Vous avez parlé de pôles. C'est une nouvelle forme d'organisation au sein du gouvernement, peut-être pour améliorer la collégialité ?
Déwé Gorodey : Au départ, quand nous sommes arrivés, en 1999, je disais qu'on était à l'école de la collégialité, il y a douze ans maintenant, et la collégialité s'est améliorée, d'année en année, et donc on a partagé de plus en plus la gestion des dossiers transversaux, et donc, le pôle va dans cette démarche-là.
Journaliste : C'est important, surtout quand il y a des difficultés.
Déwé Gorodey : Disons qu'actuellement, on est dans les affaires courantes, on n'est pas encore dans les gros dossiers puisqu'il y a eu plusieurs démissions, et on sait pas quand est-ce que ça va s'arrêter.
Journaliste : La journée de la femme a été bien suivie dans le pays. À l'initiative du gouvernement elle s'est faite du côté de Canala. Une réussite, pour vous ?
Déwé Gorodey : La journée internationale de la femme mobilise de plus en plus de femmes et pas seulement de femmes, de jeunes gens et de coutumiers, parce que ces années, on a travaillé, j'ai eu aussi le secteur des affaires coutumières, et on a pris l'habitude de travailler avec les coutumiers, de les consulter et surtout sur la question des femmes, parce que la question des femmes, il faut discuter avec les coutumiers, à la base puisque nous savons que nous, les femmes kanakes, on a un statut dans nos cultures, comme dans les cultures océaniennes et dans les cultures des peuples premiers.
Journaliste : Le secteur de la condition féminine a été mis en place lors de la dernière mandature.
Déwé Gorodey : Oui, et dans le secteur de la condition féminine on est toujours, et surtout en ce moment, à continuer à travailler contre les violences faites aux femmes et contre toutes les discriminations faites aux femmes pour lesquelles on a mis en place ce qu'on appelle le comité SEDEF, et on continue aussi à inciter les femmes à se former pour les métiers dits d'hommes, pour participer au développement de leur pays, et pour la dernière journée internationale de la femme, à Canala, c'était sur le thème de la femme dans l'économie formelle et informelle, parce que, effectivement, l'économie informelle, elles y sont très impliquées.
Journaliste : Les associations de femmes ont aussi organisé des journées de débats ou de discussions.
Déwé Gorodey : Oui, et c'est très important que les femmes prennent cette initiative-là, parce que c'est sûr que tout le monde ne peut pas se déplacer dans les lieux où on fait la journée internationale de la femme, parce qu'on la déplace de province en province, chaque année, et c'est important, le débat et la discussion, et c'est pour ça que depuis le départ nous avons voulu donner à cette journée de la femme un caractère, non seulement culturel, mais aussi un caractère économique où les femmes peuvent écouler les produits de leur travail, et c'est ce qui s'est fait à Canala, avec ce qu'on appelle le grand marché des femmes du pays, et aussi que ça soit un espace de discussion parce qu'il est important de parler, de définir ensemble des objectifs, de voir ensemble où on est et où on va.
Journaliste : Est-ce que les questions sur le drapeau et le nom du pays vont très vite ? Comment vous voyez ces signes identitaires au moment où on parle ?
Déwé Gorodey : Au moment où on parle, c'est vrai que les travaux du comité de pilotage que je présidais sur les signes identitaires ont amené au vote du Congrès sur la devise, l'hymne et le nouveau graphisme des billets de banque. La question du drapeau et du nom du pays n'ont pas pu aboutir, à l'intérieur de ce comité de pilotage, parce que il y avait une proposition du FLNKS qui disait qu'il faut lever les deux drapeaux pendant la période transitoire, et une proposition du FLNKS aussi qui disait : le nom du pays c'est Kanaky-Nouvelle-Calédonie. Et à l'intérieur du comité de pilotage, c'était l'UMP qui avait bloqué la discussion à ce moment-là. Et donc, s'il y a discussion à l'intérieur du comité de pilotage où la démarche que nous avons adoptée est une démarche participative, c'est-à-dire avec la réflexion, le débat avec les citoyens, et donc, j'ai considéré qu'on n'était plus dans cette démarche-là, que c'était plutôt une position politique, et donc, à ce moment-là, il faut aller dans une instance politique pour parler de la question du drapeau et de la question du nom du pays. Voilà.
Journaliste : Pour vous, vous pensez que le drapeau de Kanaky doit être le drapeau du pays ?
Déwé Gorodey : Il y a un projet de loi de l'UC qui veut faire voter le Congrès sur le drapeau Kanaky, comme on l'appelle, et la position de mon parti, le Palika, c'est de voter ce projet de loi parce que, effectivement, depuis la période des événements, c'est le drapeau kanak dans lequel le peuple kanak se reconnaît. C'est le drapeau du peuple de ce pays dans lequel se reconnaissent aussi d'autres. Pour nous, c'est normal que le drapeau kanak soit le signe identitaire de ce pays, puisque ce pays, c'est le pays des Kanaks, et on a fait des concessions politiques importantes, à Nainville-les-Roches, en 1983, où nous avons dit que ceux qui sont arrivés, de gré ou de force, dans ce pays sont (?) des victimes de l'histoire. On n'est pas allé au-delà avec la signature de l'Accord de Nouméa, en disant que nous avons à construire ensemble la citoyenneté de ce pays. Voilà les concessions que le peuple kanak a faites.
Journaliste : On va parler de livres, une mission que vous avez faite la semaine dernière à Paris. Vous nous expliquez ce déplacement ?
Déwé Gorodey : Normalement nous envoyons une délégation, tous les ans, depuis 2066, sur le salon du livre de Paris, parce que, au départ, quand il y avait le salon du livre de l'outre-mer, nous, on était pratiquement dans un placard. On avait droit qu'à une table dans un coin. et, nous, ça nous a pas plu et, à ce moment-là, j'ai proposé qu'on ait un stand Océanie, c'est-à-dire avec la Polynésie française et avec Wallis et Futuna, pour qu'on soit ensemble dans ce salon-là, et d'ailleurs le salon du livre de l'outre-mer a été supprimé depuis, et donc, par contre, cette année, c'est particulier : nous avons été invités dans le cadre de l'année des outre-mer, dont le commissaire est monsieur Daniel Maximin, écrivain antillais, qui a insisté fortement pour qu'il y ait une forte délégation de notre pays à ce salon du livre. Il y a d'autres espaces aussi, sur lesquels on ira dans le cadre de l'année des outre-mer, il y a un espace pour les athlètes et les artistes aussi, en juin, à La Villette, il y a un autre espace, en novembre, pour l'association (Ka?) 2011, c'est-à-dire des descendants des Kabyles de Bourail qui ont fait cette association pour pouvoir participer en novembre, avec le partenariat de la Maison de la Nouvelle-Calédonie, à cette année de l'outre-mer et aussi avec le partenariat de l'institut du monde arabe. Il y a cet espace-là, et il y a aussi un dernier espace, en décembre qui est un espace consacré à nos langues, et ce sera (?).
Journaliste : L'année des outre-mer c'est une reconnaissance des outre-mer ou pas pour vous ?
Déwé Gorodey : On a eu un débat, là-bas, où on a…, en tout cas, pour ma part, je constate que peut-être, qu'il y a aussi des relations à redéfinir, et aussi des mots à redéfinir, parce que vous savez, quand on dit l'outre-mer, c'est très vague, c'est la nébuleuse, ça. Mais personne ne sait encore, là-bas, où se trouve la Nouvelle-Calédonie, ou se trouve la Guyane, quelque fois on pense qu'on est dans la mer des Caraïbes, ou au large du Maroc, je sais pas. Mais il faudra que la France, elle redéfinisse aussi les termes. Les termes qu'elle a employés vis-à-vis de nous, l'outre-mer, donc, revoir ce terme, parce que comme dit, l'outre-mer, c'est très vague, c'est nébuleux. Et puis, c'est vrai que, nous définir comme ça, dans un pareil mot, qui ne veut rien dire, en fait, c'est toujours continuer…
Journaliste : C'est réductif.
Déwé Gorodey : C'est réductif. Et continuer ce que j'appelle l'imagerie coloniale, où à un moment donné, on parlait du cannibale, du sauvage, du bon sauvage, après on nous a appelés les Kanaks, c'était péjoratif, et après on nous a appelés les autochtones, après on nous a appelés les Mélanésiens, et donc, si ça continue comme ça, si justement, globalement, on nous considère par ce terme qui est très vague, quel sera le prochain terme par lequel on va nous appeler ? Mais, en dehors de ça, heureusement qu'on s'est revendiqué le mot Kanak, avec un K.
Journaliste : Il y a eu des jeunes Kanaks dans le salon du livre de Paris.
Déwé Gorodey : C'est tout un honneur pour nous, les vieux, de voir que les jeunes prennent la relève en littérature.
Journaliste : Et qui ne suffit pas.
Déwé Gorodey : Il faut continuer et il faut aussi que la filière du livre soit revue, ici, parce qu'on a demandé une étude sur la filière du livre, parce que vous savez que le livre est très, très cher, et il y a eu donc des préconisations, des propositions de ceux qui ont fait cette étude pour qu'on revoit un peu la filière du livre ici.
Journaliste : Est-ce que les éditeurs de livres sont aussi considérés dans la SACENC ?
Déwé Gorodey : Ce qu'on a prévu, au départ, avec la SACENC, c'est d'y introduire tous les autres domaines artistiques, comme aussi pour le (?) qui est le (?) d'exportation de la musique du pays, et aussi des autres domaines artistiques, parce que nous avons estimé que notre pays est petit, que le marché est réduit, et qu'il ne faut pas, qu'il n'est pas nécessaire qu'à chaque fois, on fasse une société par catégorie artistique.
Journaliste : Pour terminer : même s'il y a les démissions, vous avez parlé des affaires courantes.
Déwé Gorodey : Donc, on est dans les affaires courantes, alors, ça veut dire qu'il y a des conseils d'administration qu'on continue à faire, ça veut dire qu'on continue sur certaines opérations qui étaient inscrites au budget, comme récemment la journée de la femme. En tout cas, ce que j'espère, c'est que la déstabilisation s'arrête au plus tôt, pour qu'on continue à mettre en œuvre l'Accord de Nouméa pour lequel on est là où on est.
Journaliste : Nous sommes au premier mois de l'année scolaire. Vous avez un message à lancer auprès de ces jeunes, de ces élèves ?
Déwé Gorodey : Je lance le même message que je leur ai toujours dit quand j'étais professeur de français, à savoir qu'il faut aller le plus loin possible dans nos études parce que demain, la responsabilité du pays sera entre vos mains.
Merci."