Depuis juillet 2010, le drapeau kanak flotte aux côtés de celui français. Conformément à la résolution du dernier comité des signataires qui s’est tenu à Paris en juin de l’année dernière, le Premier Ministre Fillon est venu lui-même hissé le drapeau kanak devant les bâtiments du Haussariat. La résolution du comité des signataires mentionne bien une première étape, comme étant la reconnaissance mutuelle d’abord des deux légitimités avant d’aller vers une nouvelle citoyenneté avec ses propres signes identitaires. (photo Madoÿ)
Depuis, certaines communes du pays (celles tenues par la droite locale) ont pris l’initiative de lever le drapeau kanak pour respecter l’esprit de la résolution du dernier comité des signataires. Ces communes sont principalement implantées dans la province sud du pays, et comme par hasard 3 sur les 10 communes de cette même province n’ont toujours pas suivi le pas enclenché depuis juillet sur la question des drapeaux.
Il faut une délibération du conseil municipal pour lever le drapeau kanak aux côtés du drapeau français, une disposition encore obligatoire du fait de l’absence du circulaire du conseil des ministres.
L’Accord de Nouméa : le pari de l’intelligence, Naku press comprend cette interprétation, de la manière suivante : au-delà des textes, il y a la compréhension, la pertinence pour le respect des équilibres. Si l’on fait fi de cette dimension, non écrite, mais importante de l’Accord de Nouméa, c’est prendre le risque d’attiser des braises de l’histoire non encore éteintes. Derrière la question du drapeau, comme celle du nom du pays, c’est encore d’autres pas à faire. Car, dès l’instant où le peuple kanak a été sollicité pour reconnaître les victimes de l’histoire dans ce pays, c’est en même temps confirmer sa légitimité. Dans son combat, il s’est proposé un drapeau, et il a donné un nom à son pays : Kanaky. Le peuple kanak s’est accaparé de ces deux signes identitaires, comme pour continuer à marquer sa différence, une légitimité historique de peuple premier, par rapport à des symboles dominants tel le drapeau tricolore.
C’est une réalité qu’on le veuille ou non, elle fait partie de l’environnement au quotidien dans le pays, à voir comment les couleurs du drapeau kanak fleurissent sur les étales des boutiques du « China Town » de la ville de Nouméa.
L’Accord de Nouméa, prônant le rééquilibrage, a permis une stabilité politique dans le pays, mais derrière des textes, des mots, ce sont des hommes. L’esprit de partage, d’équilibre, d’égalité, c’est beaucoup de compromis à faire. Et la sensibilité de la question du drapeau est liée à une dimension qui va au-delà même des textes, des mots: un peuple colonisé est condamné à être dans des situations précaires. Et la précarité ne permet pas la projection, il faut d’abord l’enrayer pour que l’on puisse parler de l’avenir. Enrayer la précarité, ce n’est pas simplement amener le confort matériel, c’est aussi rétablir toutes les sensibilités qui ont été bafouées par la colonisation. La dimension culturelle et identitaire du drapeau kanak en fait partie.
Les motifs liés à la question du drapeau évoqués par une des composantes du FLNKS, l’Union Calédonienne, pour faire démissionner le gouvernement, est à notre sens des motifs politiques comme les autres. La démarche qui a été faite, n’a pas enfreint à quelques dispositions que ce soit de l’Accord de Nouméa. La démission est bien une possibilité légale, prévue aussi pour des régulations nécessaires. C’est aussi cela la démocratie.
Depuis ces derniers jours, le mot instabilité politique a pris place dans le discours ambiant, n’est-ce pas une manière de conforter les agissements de certains courants politiques qui, eux, conçoivent l’esprit de l’ADN comme un tremplin pour mener tranquillement les affaires avec des réformettes par çi par là au nom de la justice sociale et consort.
Le camp indépendantiste, malgré quelques divergences sur la forme, tant au niveau de la prise de décision, que la gestion de la communication en interne ; est unanime sur la question du drapeau. Même si certaines semblent hésiter sur la manière d’affirmer les choses, le fond est qu’il n’y a pas opposition à ce que le drapeau kanak soit levé.
La dramatisation de la démission de la liste FLNKS et des raisons évoquées, relayée par la presse, est en train de créer les conditions pour conforter une ambiance d’instabilité politique. Les indépendantistes n’auraient-ils pas droit de démissionner ? – cela nous fait rappeler des mauvais souvenirs, « c’est nous qui faisons la pluie et le beau temps dans ce pays » le reste vous suivez.
Naku press termine ce propos par simplement un rappel : la marche d’un peuple pour la reconquête de sa dignité s’inscrit dans un élan d’humanisme et un acte de civilisation d’abord. Les dispositions politiques, juridiques et autres viendront s’y accommoder.
Naku press : mise en ligne le 27/02/2011