Déclaration du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, James Anaya, à l'issue de sa visite en Nouvelle-Calédonie-4 à 13 Février 2011
Nouméa, le 13 Février 2011
En ma qualité de Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, j'ai effectué une visite en Nouvelle-Calédonie du 4 au 13 Février 2011. Cette visite m'a offert une occasion unique de me rendre compte des réalités relevant de mon mandat et de consulter un large éventail de parties prenantes. Je tiens à remercier les autorités de la République de la France pour leur coopération. Je suis également reconnaissant au Sénat coutumier pour l'assistance fournie dans la préparation et le déroulement de ma visite.
L'objectif de ma visite a été de tenir des consultations et de recevoir des informations en vue d'examiner la situation des droits de l'homme des peuples autochtones du pays - le peuple Kanak- tout en tenant pleinement compte de l'histoire de la Nouvelle-Calédonie. J'ai cherché à comprendre les démarches retenues par le gouvernement de la France, le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et le peuple kanak dans leur effort visant à parvenir progressivement à une coexistence harmonieuse et fructueuse entre toutes les composantes de la population du pays à travers la mise en œuvre de l'Accord de Nouméa de 1998.
J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec le Haut Commissaire et d'autres responsables de l'Etat français, le Président et les ministres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, les représentants des trois Provinces, les membres du Sénat coutumier, et d'autres autorités coutumières. Je tiens également à remercier les représentants de nombreuses organisations Kanaks et non-gouvernementales, y compris les syndicales et les organisations de femmes, de jeunes et les organisations environnementales qui m'ont fourni des informations.
En plus de mes rencontres à Nouméa, je me suis rendu dans les trois provinces du pays. J'ai rendu visite aux autorités et aux membres des communautés autochtones à Kone, Thio, Saramea, Lifou et Ouvéa. J'ai également visité le centre de détention à Nouméa. Je suis reconnaissant pour la chaleureuse hospitalité avec laquelle j'ai été reçu par les autorités coutumières kanak, leurs communautés et les autorités gouvernementales.
Je suis encouragé d'apprendre de la part des intervenants qu'il y aurait un consensus autour de l'Accord de Nouméa, prévoyant un cadre pour le transfert des compétences de la France aux institutions de la Nouvelle-Calédonie et qui permettrait à l'avenir la possibilité d'une indépendance totale. Je salue en particulier les dispositions de l'Accord de Nouméa qui promeuvent la culture et les institutions coutumières du peuple kanak en tant que partie intégrante du tissu social et politique du pays, ainsi que les dispositions mettant en place une fondation pour les nombreuses initiatives entreprises afin de traiter les conditions désavantageuses auxquelles est confronté le peuple Kanak dans tous les domaines de la vie. Je note que l'Accord de Nouméa peut et doit être interprété en pleine conformité à la Déclaration de l'Organisation des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Cette dernière va de pair avec la politique des Nations Unies sur la décolonisation.
Lors de ma visite, j'ai pris connaissance de nombreuses mesures visant à mettre en oeuvre l'Accord de Nouméa et autres évolutions positives afférentes. Néanmoins, j'ai aussi pris connaissance de nombreux défis qui subsistent. Les autorités kanaks et les membres des communautés autochtones m'ont fait part de manière réitérée de leurs frustrations quant à la perpétuation de tendances à la discrimination à leur encontre, aux restrictions à l'exercice des droits coutumiers, aux mauvaises conditions sociales et économiques et à l'absence de participation adéquate aux processus décisionnels les concernant à de nombreux égards.
Dans les semaines à venir; je vais évaluer les informations recueillies, rencontrer les autorités françaises à Paris afin de discuter plus avant de la situation des droits de l'homme du peuple Kanak. Ensuite, je rédigerai un rapport assorti de recommandations. Ce rapport sera rendu public et soumis au Conseil des Droits de l'Homme de l'Organisation des Nations Unies Conseil.
Mon attente est que ce rapport contribue à la poursuite du dialogue constructif entre les gouvernements de la France, de la Nouvelle-Calédonie et les représentants du peuple Kanak.