"Le
président américain pourrait reconnaître la Ville sainte comme capitale d’Israël. Son
but : mettre sur pied un nouvel environnement régional pour affronter
l’Iran. À charge pour les Saoudiens de contraindre les Palestiniens à
l’accepter.
En mai
2016, alors qu’il n’était encore que candidat à la présidence, Donald Trump
annonçait lors de la conférence annuelle du Comité des affaires publiques
américano-israéliennes (Aipac), organisation pro-israélienne, qu’en cas
d’élection, il transférerait l’ambassade des États-Unis « dans la capitale
éternelle du peuple juif, Jérusalem ». Ce qu’il pourrait faire maintenant.
contrairement à ce qui est dit, cette décision en soi n’est pas nouvelle. En
1995, déjà, Bill Clinton avait signé une ordonnance déclarant :
« Depuis 1950, Jérusalem est la capitale de l’État d’Israël. » Cette
loi, pour être appliquée, nécessite le transfert de l’ambassade, qui se trouve,
comme celles de pratiquement toutes les chancelleries du monde qui
reconnaissent Israël, à Tel-Aviv. Tous les six mois, le président en place doit
signer une clause dérogatoire. Depuis hier, Trump est censé signer ou
transférer.
Le
statut de la ville est l’un des plus contestés au monde
Cet
acte, pour grave qu’il soit d’un point de vue symbolique, prend place en
réalité dans une séquence géopolitique beaucoup plus large et ne touche pas
seulement la symbolique de Jérusalem. Le statut de la ville est en effet l’un
des plus contestés au monde. Israéliens et Palestiniens la désignent comme
capitale (Israël occupant depuis 1967 et ayant annexé la partie orientale,
l’Autorité palestinienne parlant plutôt de Jérusalem-Est). Elle est un lieu
saint pour les juifs, les chrétiens et les musulmans. Tout changement de statut
aura des répercussions dramatiques pour la région. « Rien ne justifie
cette décision (…). Cela ne servira pas la paix et la stabilité, au contraire
cela nourrira le fanatisme et la violence », a mis en garde le chef de la Ligue arabe, Ahmed Aboul
Gheit dont on se demande quel est le pouvoir.
Devant
un sujet aussi sensible, même un Donald Trump comprend qu’il faut agir avec
intelligence et finesse car il s’agit d’un des éléments du nouveau plan
américain pour la résolution de ce qu’on appelle le « conflit
israélo-palestinien ». Non pas pour le résoudre en soi, mais pour ouvrir
la voie au but ultime des États-Unis, mais aussi d’Israël et de nombres pays
arabes, Arabie saoudite en tête : affronter l’Iran. Dimanche, son gendre
et conseiller pour le Proche-Orient, Jared Kushner, expliquait lors d’un forum
à Washington : « De nombreux pays au Moyen-Orient veulent la même
chose : le progrès économique, la paix pour leurs peuples. Ils regardent
les menaces régionales et je pense qu’ils voient qu’Israël, leur ennemi
traditionnel, est en fait devenu un allié naturel pour eux à cause de l’Iran, à
cause de l’“État islamique” (Daech) en Irak et au Levant. Beaucoup de gens
veulent maintenant faire la jonction entre ces deux paramètres. » Les
grandes lignes de ce plan américain n’ont pas été dévoilées mais ont fuité,
comme il se doit. Un État serait octroyé aux Palestiniens sur une partie de la Cisjordanie et sur
Gaza mais sans continuité territoriale entre les deux entités, une aide de 10
milliards de dollars serait allouée pour l’établissement de cet État. Quant aux
discussions sur le statut de Jérusalem et du droit au retour des réfugiés,
elles seraient renvoyées aux calendes grecques. Aux Américains le soin de
discuter avec les Israéliens. D’où l’idée de la reconnaissance de Jérusalem
comme capitale d’Israël et une déclaration – encore – de Kushner pour rassurer
leur partenaire : il compare la poursuite de l’occupation des territoires
palestiniens à « un problème immobilier » (Real Estate Issue).
De son
côté, le tout-puissant prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane (MBS) –
pour qui l’affrontement avec l’Iran prime sur le fait palestinien comme il l’a
déjà laissé entendre –, a reçu le président palestinien, Mahmoud Abbas, pour
lui présenter le plan de Trump. Le successeur d’Arafat aurait refusé. MBS
aurait menacé Abbas de pressions pour le contraindre à démissionner et mettre
un homme plus docile à sa place. Ce qui éclaire les manœuvres en cours depuis
des mois, les pays du Golfe tentant d’imposer à la présidence de l’OLP comme de
l’Autorité palestinienne, Mohammed Dahlan, proche des Émirats arabes unis,
ancien homme fort du Fatah dans la bande de Gaza. Mahmoud Abbas a tenté,
dimanche, de mobiliser la communauté internationale (qui n’a jamais reconnu
Jérusalem comme capitale d’Israël) pour peser sur la décision américaine. Sans
grand effet pour l’heure"
Sources : Site Solidarité
Palestinienne
Publication du 10/12/2017 .