lundi 12 juillet 2010

Académie des Langues Kanak

L’établissement, Académie des Langues Kanak, a été créé le 30 novembre 2006 et paru dans le Journal Officiel le 17 janvier 2007. Ihage Wéniko a été désigné directeur le 19 septembre 2007 et par la suite, il y a eu nomination des 8 académiciens régionaux sur propositions des conseils coutumiers.
Afin qu'ils puissent voter la délibération qui créée l'Académie des Langues Kanak, les élus du Congrès ont pris connaissance d'un rapport succinct sur la situation des langues kanak.
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Rapport au Congrès de la Nouvelle-Calédonie relatif à la délibération portant création de l'académie des langues kanak

1 – Fondements juridiques et culturels de l'académie des langues kanak

L'Accord de Nouméa
«
1.3.3. Les langues
(...) Une académie des langues kanak, établissement local dont le conseil d'administration sera composé de locuteurs désignés en accord avec les autorités coutumières, sera mise en place. Elle fixera leurs règles d'usage et leur évolution
."

La loi organique
«Après avis des conseils coutumiers, le sénat coutumier désigne les membres de l'académie des langues kanak dans les conditions fixées par une délibération du congrès.» et en son article 215 alinéa 2 : «les langues kanak sont reconnues comme langues d'enseignement et de culture.»

Le projet de délibération qui vous est proposé vise donc à mettre en place l'établissement public académie des langues kanak, sigle A.L.K..
Les langues humaines sont une composante essentielle mais souvent oubliée du patrimoine culturel de l'humanité en ce qu'elles constituent un moyen de communication mais aussi une vision du monde unique.
Comme les civilisations, les langues sont mortelles et l'histoire nous a laissé le témoignage de langues désormais éteintes. Le XXème siècle a amorcé une accélération de la dynamique de globalisation des sociétés humaines, qui s'accompagne d'un dangereux mouvement de disparition des langues.
De nombreux auteurs s'inquiètent de ce phénomène, comme le linguiste Claude Hagège : « Sait-on qu'en moyenne, il meurt environ 250 langues chaque année? Il existe aujourd'hui dans le monde 5 000 langues vivantes. Dans cent ans, si rien ne change, la moitié de ces langues seront mortes. A la fin du XXIème siècle, il devrait donc en rester 2 500 environ, et sans doute beaucoup moins encore si l'on tient compte d'une accélération fort possible, du rythme de disparition...la vigilance s'impose, faute de quoi toutes sont menacées, y compris le français »
[1].

2 – La situation des langues kanak

Richesse et diversité
De toutes les langues[2] parlées aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie, les 28 langues kanak représentent près de 85% d'entre elles.
Le paysage linguistique kanak se caractérise d'abord par sa diversité laquelle n'est pas propre aux langues autochtones de Nouvelle-Calédonie, mais constitue un des traits majeurs de l'ensemble culturel océanien. On citera pour mémoire les îles Fidji avec 7 langues autochtones parlées, les îles Salomon avec 68 langues, le Vanuatu avec ses quelques 80 langues, l'Irian Jaya avec ses 263 langues ou encore la Papouasie-Nouvelle-Guinée avec 823 langues. Les langues d'Océanie (Australie exclue) totalisent quelques 2 013 langues des 7 031 langues naturelles humaines actuellement parlées, soit près du tiers. Ainsi l'Océanie, et particulièrement la Mélanésie, se caractérise par la plus importante diversification linguistique observée, au regard du nombre de locuteurs, et constitue à l'échelle de l'humanité un patrimoine unique.

Historique et famille linguistique
Les langues kanak de Nouvelle-Calédonie, à l'exception du tayo, créole de Saint-Louis, appartiennent à la famille des langues austronésiennes, l'une des 106 familles de langues de l'humanité. Les langues austronésiennes, dont l'aire de distribution va de Madagascar à l'île de Formose et de l'île de Pâques à la Nouvelle-Zélande, comporte quelques 1 262 langues.


Différenciation entre langue et dialecte
Ces termes sont souvent utilisés dans des sens fort différents. Le terme de « langue » est couramment employé pour désigner les formes de langage reconnues socialement et jouissant donc de prestige et on réserve le terme de « dialecte » pour toutes les autres formes moins valorisées.
Une langue est ainsi un dialecte choisi par une autorité politique, parmi d'autres dialectes parlés sur le même territoire, pour en faire une langue officielle (administrative, enseignée...) de tout ce territoire. On a pu dire de ce fait : « une langue est un dialecte qui a réussi ». Certains auteurs utilisent de manière indifférenciée les deux termes. Les linguistes eux-mêmes ne sont pas d'accord pour une définition commune.
Nous utiliserons ici la définition la plus largement répandue consistant à considérer une « langue » comme une forme de parler constituant une entité distincte par sa phonologie et sa syntaxe, et un « dialecte » comme une forme de parler d'une langue, insuffisamment distinct de la langue mère, pour constituer une entité à part entière. On réservera le terme de « variante » pour désigner un état de parler intermédiaire entre la langue et le dialecte.
Du point de vue de la compréhension, on postulera qu'il n'y a aucune intercompréhension entre une langue et une autre, que l'intercompréhension existe entre une langue et ses variantes, de même qu'entre une langue et ses dialectes mais elle n'est plus automatique.

Identification et dénombrement
La difficulté de l'identification des langues et dialectes kanak provient de la fluctuation des définitions de ces termes chez les différents spécialistes, mais aussi de la fluctuation des noms des langues eux-mêmes. Il est courant que les langues et dialectes soient connus sous plusieurs noms. Ainsi la langue parlée à Poum et Koumac est tantôt dénommé nêlêmwa, nixumwak ou kumak.
Combien de langues et dialectes kanak sont parlés en Nouvelle-Calédonie? La question a reçu autant de réponses que d'auteurs. Maurice Leenhardt avait dénombré, au milieu du siècle dernier, 37 langues et dialectes
[3]. Le linguiste Jean-Claude Rivierre dénombre au début des années 1980 : 28 langues, 11 dialectes et 1 créole[4]. Les différences entre ces deux dénombrements s'expliquent non seulement par la disparition de certains langues ou dialectes, comme le waamwang de Voh, ou l'iwateno de Maré, ou l'apparition d'une nouvelle langue comme le tayo, créole de St Louis, mais aussi en raison des définitions différentes du terme de langue et de dialecte, utilisées par l'un et l'autre auteur. Maurice Leenhardt considère les parlers nobles comme l'iwateno de Maré et le miny de Lifou comme des langues, alors que Jean-Claude Rivierre ne les prend pas en compte estimant sans doute qu'il s'agit de « variantes » de langue, insuffisamment différenciées pour être considérées comme des dialectes. On pourrait multiplier les exemples. Aussi, il est difficile de comparer les données de l'un et de l'autre.
Un travail d'envergure constamment mis à jour par le Summer Institute of Linguistics, institution qui s'attache à connaître l'ensemble des langues de l'humanité, dénombre 33 langues kanak parlées en Nouvelle-Calédonie
[5]. De même, dans ce travail bien documenté, certaines formes qui sont considérées par J.-C. Rivierre comme des dialectes sont ici considérées comme des langues et vice-versa.
En dernier ressort, le dénombrement de J.-C. Rivierre, le plus récent et le plus fiable fait autorité et c'est sur lui que nous nous appuierons
[6], même si depuis, des travaux nouveaux sont venus en affiner certains aspects[7]. Ainsi, suivant Jean-Claude Rivierre, nous considérerons ici qu'il existe aujourd'hui 40 langues et dialectes parlés en Nouvelle-Calédonie se décomposant ainsi :

28 langues classées en 3 groupes principaux :
Langues du nord (13)
–Extrême-nord (4) : yuanga (Gomen, Ouégoa), nêlêmwâ-nixumwak (Koumac, Poum), nyelâyu (Ouégoa, Bélép, Pouébo), caac (Pouébo);
–Nord (7) : les 5 dialectes de Voh-Koné (comptés ici comme une langue), pwaamèi (Voh), pwapwâ (Voh), pije (Hienghène), fwâi (Hienghène), jawe (Hienghène, Pouébo), némi (Hienghène, Voh);
–Centre (2 : paicî (Poindimié, Ponérihouen, Koné, Poya), cèmuhî (Touho, Koné);
Langues du sud (11)
– Sud (9) : ajië (Houailou, Ponérihouen, Poya, Kouaoua), arhâ (Poya), arhô (Poya), orowé ou abwèwé (Bourail), néku (Bourail, Moindou), sichë (Bourail, Moindou), tîrî (La Foa, Sarraméa), xârâcùù (Canala, La Foa, Bouloupari), xârâgùré (Thio);
– Extrême-sud (2) : nââ drubéa (Païta, Dumbéa, Nouméa, Yaté), nââ numèè / kapone (Mont-Dore, Yaté, île des Pins);
Langues des Loyauté (4)
nengone (Maré), drehu (Lifou), iaai, fagauvea (Ouvéa);
1 créole : tayo (Mont-Dore)
11 dialectes : (cf. Annexe 2)

Nombre de locuteurs
Pendant longtemps, on ne s'est pas soucié de dénombrer les locuteurs. C'est seulement au recensement général des populations de Nouvelle-Calédonie de 1996 qu'apparaissent les premières données. Celles-ci faisaient état, pour une population kanak de 86 788 habitants, de 53 566 locuteurs pour l'ensemble des langues. Selon ces chiffres 33 222 kanak ne parlaient plus leur langue d’origine, soit plus de 38%.
A partir des chiffres de ce recensement de 1996, le Laboratoire des civilisations à traditions orales (Lacito-CNRS) a fait une estimation de 75 411 locuteurs. Ce total a été trouvé en additionnant, pour chaque tribu, le nombre de personnes appartenant à la tribu et résidant dans la tribu et le nombre de personnes déclarant appartenir à la tribu mais n’y résidant pas (in Cerquiglini, B. (dir.), 2003, Les langues de France, Paris, PUF). En raison de la forte déperdition des langues auprès de la jeune génération, ces chiffres sont probablement surévalués. La réalité doit dont se situer entre ces deux extrêmes, ce qui a été confirmé par les chiffres du recensement de 2004 : 62 648 locuteurs d'une langue kanak se répartissant entre la province des îles Loyauté (22,4%), la province Nord (35,5%) et la province Sud (42,1%). Notons qu'un peu plus d’un locuteur sur cinq habite à Nouméa et sur les 28 langues répertoriées, les trois les plus parlées sont le drehu (13 249 locuteurs), le nengone (7 958 locuteurs) et le paicî (6 056 locuteurs)(pour les autres langues voir annexe 2). Nous ne pouvons malheureusement pas avoir le pourcentage de locuteurs par rapport à la population kanak, les questions ethniques ayant été retirées du questionnaire du recensement.
Le nombre de locuteurs issu du dernier recensement devrait être très en-deçà de la réalité car, outre le fait qu'il existe toujours un certain pourcentage de perte dans ce genre d'opération, n'étaient prises en compte que les personnes de plus de 14 ans.
Il est important que le recensement de 2009 soit accompagné d'un questionnaire linguistique encore plus précis pour obtenir une image affinée de la situation de chaque langue.

3 – L'enseignement des langues kanak

Textes de référence
- Loi n° 51-46 du 11 janvier 1951 relatif à l'enseignement des langues et dialectes locaux (loi Deixonne)

- Décret n° 92-1162 du 20 octobre 1992 relatif à l'enseignement des langues et dialectes locaux
Article 1er. - Les articles 2 à 9 de la loi du 11 janvier 1951 modifiée relatifs à l'enseignement des langues et dialectes locaux sont applicables dans la zone d'influence des langues mélanésiennes pour ce qui concerne l'ajië, le drehu, le nengone et le paicî.

-Accord de Nouméa - 5 mai 1998
Paragraphe 1.3.3. Les langues "
Les langues kanak sont, avec le français, des langues d’enseignement et de culture en Nouvelle-Calédonie. Leur place dans l’enseignement et les médias doit donc être accrue et faire l’objet d'une réflexion approfondie.
Une recherche scientifique et un enseignement universitaire sur les langues kanak doivent être organisés en Nouvelle-Calédonie. L’institut national des langues et civilisations orientales y jouera un rôle essentiel.
Pour que ces langues trouvent la place qui doit leur revenir dans l’enseignement primaire et secondaire, un effort important sera fait sur la formation des formateurs.
Une académie des langues kanak, établissement local dont le conseil d’administration sera composé de locuteurs désignés en accord avec les autorités coutumières, sera mise en place. Elle fixera leurs règles d’usage et leur évolution."


- Loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie (Loi n° 99-209 du 19 mars 1999)
Article 215: Les langues kanak sont reconnues comme langues d’enseignement et de culture.


- Circulaire n° 2001-166 du 5 septembre 2001 - Développement de l'enseignement des langues et cultures régionales à l'école, au collège et au lycée.

- Délibération n°118 du 26 septembre 2005 portant programmes et horaires des écoles maternelles et élémentaires de la Nouvelle-Calédonie
Art. 6.
- 1 – Principes généraux et modalité de mise en œuvre
L’enseignement des langues et de la culture kanak fait l’objet d’une généralisation progressive en cycle 1, 2 et 3 à l’initiative des provinces en fonction de leurs réalités culturelles et linguistiques, des connaissances linguistiques, des outils pédagogiques et des ressources mobilisables.
En cycle 1 et au CP, cet enseignement est dispensé à compter de l'année 2006 et dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Cet enseignement est généralisé dans les mêmes conditions, en CE1 et cycle 3, sous réserve d’une expérimentation scientifique validée par l’autorité pédagogique.

2 – Organisation pédagogique
L’enseignement des langues et de la culture kanak fait l’objet d'une organisation précisée dans le projet d’école. Il est dispensé auprès des élèves dont les parents en ont exprimé le vœu, par des enseignants qualifiés, à raison de 7 heures hebdomadaires à l'école maternelle et de 5 heures hebdomadaires à l’école élémentaire. Pour traduire leur caractère de langues d’enseignement, les langues kanak sont enseignées à travers différents champs disciplinaires.


Dans le présent projet de délibération, il est proposé que l'académie des langues kanak "participe à la validation des enseignants et des programmes d'enseignement et des contenus, en liaison avec les autorités compétentes".

Etat de l'enseignement des langues kanak
En matière d'enseignement des langues kanak, on peut distinguer 3 périodes :
1-la grande période du décret Guillain, «période de non enseignement» des langues kanak;
2-la période des accords Matignon (1988-1998) qui a vu se développer l'enseignement des langues kanak au collège et au lycée et émerger, dans le primaire, quelques initiatives provinciales, en particulier en provinces nord et îles;
3-la période de l'accord de Nouméa (depuis 1998), accord qui déclare en préambule que « les langues kanakes sont, avec le français, des langues d’enseignement et de culture en Nouvelle-Calédonie ».

Après une phase expérimentale - menée de 2002 à 2004 - les langues kanak font désormais partie officiellement du paysage éducatif depuis la rentrée 2006.
Cette promotion des langues kanak dans le système éducatif s’accompagne d’un souci d’efficacité pédagogique: l’enseignement multilingue précoce doit servir les objectifs de l’école et favoriser le développement des compétences langagières des élèves.

A l'enjeu patrimonial du départ, pédagogique ensuite, vient maintenant s'ajouter l'enjeu citoyen. La présidente du gouvernement déclarait en effet dans son discours de politique générale que «à partir du moment où les langues français et kanak seront partenaires et non plus adversaires, en situation de «duo» et non plus de «duel», des relations de compréhension et d'harmonie devraient s’opérer entre les différents groupes linguistiques concourant à l’accomplissement de l’un des points forts de l’accord de Nouméa : la construction d’un destin commun».

Dans le second degré, l'enseignement des langues kanak en lycée continue à être régi par le décret d'extension de la loi de 1951, dite loi Deixonne, et en collège par la circulaire n°2001-166 du 5 septembre 2001.Enseignement effectif
Dans le Pré-élémentaire et le Primaire - La province sud, à majorité non indépendantiste, qui jusqu’en 2002 utilisait sa compétence en matière d’adaptation des programmes pour assurer dans ses 846 classes la promotion du tourisme et de l’anglais exclusivement, s’est désormais résolument engagée dans la valorisation des langues kanak. Depuis le 18 avril 2006, 14 écoles disposent d’un enseignant qualifié de langue qui intervient à raison de 7 heures hebdomadaires dans les trois premiers niveaux du cycle 1. Ceci porte à environ 5% le taux d’encadrement en langue kanak dans le primaire public de la province Sud (nombre de classes LK/nombre total de classes).
Une délibération du 26 avril 2002 de la province nord
[8], à majorité indépendantiste, dispose que cette dernière «utilise ses ressources pour former à intervenir dans les classes, sur des contenus de programmes culturels et linguistiques définis et sous la responsabilité des maîtres, prioritairement de jeunes locuteurs bacheliers sans emploi, dans le cadre de son dispositif d’insertion des jeunes». Cette disposition provinciale pose le principe de la mise en place de binômes associant un maître d’école et un intervenant locuteur d’une langue kanak. Le locuteur est chargé, sous le contrôle du maître, de traduire en langue kanak des fiches pédagogiques préalablement conçues en français et ensuite de mettre en œuvre cette fiche dans l’espace de la classe. En 2005, le dispositif comprenait 7 binômes sur un total de 261 classes ouvertes dans le primaire public. Le taux d’encadrement est donc d’environ 3%. La province nord mène en outre un programme d’édition de documents pédagogiques en langues kanak.
En province Îles, également à majorité indépendantiste, une vingtaine d’enseignants bilingues, déclaraient en 2005 assurer plus ou moins régulièrement 5 heures d’enseignement des/en langues kanak dans leur classe. Ce chiffre ramené au nombre total de classes du primaire public ouvertes dans cette province en 2005, soit 139, correspond à un taux d’encadrement d’environ 14% en 2005.
À l’échelle du pays, toutes classes du primaire public des trois provinces confondues, le taux d’encadrement en langue kanak en 2005 était de 5,5%.
Dans le Second degré - Les langues kanak s’y présentent comme «matière» d’enseignement et les professeurs ont un emploi du temps organisé avec toutefois des horaires à harmoniser. Sept (7) langues sont régulièrement enseignées depuis quelques années au collège et au lycée. Il s'agit des langues suivantes, public et privé confondus : ajië, drehu, nengone, paicî, iaai, xârâcùù, nêlêmwa.

Formation initiale
A l'Institut de Formation des Maîtres de Nouvelle-Calédonie (IFMNC) et à l’Ecole Normale de l’enseignement privé (ENEP) - Avec l'insertion du système universitaire dans les études des élèves-maîtres, 2 UE concernent les langues et cultures autochtones :
1 UE obligatoire : «Langues et civilisation mélanésiennes », en 2ème année;
1 UE optionnelle : « Littérature et culture mélanésiennes », en 3ème année.
Ces 2 UE s’ajoutent, pour ce qui concerne l’IFMNC, à l’UF "Langues et cultures océaniennes" dispensée en 1ère année et 2ème année (tronc commun du CFEN).
A l'Institut Universitaire de Formation des Maîtres (IUFM), il est créé depuis cette année (2006) un concours externe spécial de professeurs des écoles (PE) qui prévoit des épreuves en langues kanak. Cette nouvelle voie d'accès au corps calédonien des professeurs des écoles s’ajoute au concours externe déjà existant.

A l'Université de la Nouvelle-Calédonie, une licence mention Langues et cultures régionales est proposée aux étudiants depuis la rentrée 2005 dans le cadre du LMD. Cette licence "est consacrée à l’étude des langues et cultures océaniennes et à la formation aux outils conceptuels des sciences du langage et de l’anthropologie. Elle offre un enseignement approfondi en linguistique, science qui cherche à comprendre le fonctionnement du langage humain à travers l’observation et l’analyse des langues naturelles. Tous les étudiants suivent une initiation/approfondissement dans l’une des langues kanak en option au baccalauréat (paicî, ajië, drehu, nengone). Les deux premières années reposent sur un même tronc commun. À partir de la 3ème année, les étudiants ont à choisir entre deux parcours : le parcours Enseignement des langues et de la culture kanak et le parcours Sciences du langage. Ces deux parcours correspondent aux deux principaux débouchés de cette formation : la recherche et l’enseignement." (Guide des études, UNC, 2006).

Programmes
L'enseignement en lycée dispose déjà de programmes officiels. Pour le primaire, les nouveaux programmes scolaires entrés en vigueur depuis la rentrée 2006 comportent des chapitres relatifs à l’enseignement des langues et de la culture kanak et prévoient une généralisation progressive de cet enseignement des langues kanak sur la base du volontariat. Seul le collège ne dispose pas encore de programmes officiels. Deux projets successifs ont été élaborés en 1996 et en 2001. Celui de 2001 a été envoyé au ministère qui n'a pas donné suite.

4 – Les langues kanak dans l'administration
Les quatre langues kanak ajië, paicî, nengone, drehu figurent en tant qu'épreuve facultative dans plusieurs concours externes et internes de la fonction publiques de Nouvelle-Calédonie : concours d'entrée dans les corps de chef d'administration, rédacteur, adjoint d'éducation. Une refonte des programmes de ces concours est actuellement en cours.

5 – Le projet d'académie des langues kanak

Genèse du projet
Dans le souci de faire avancer le dossier, important pour la reconnaissance de l'identité kanak, le sénat coutumier a dans un premier temps, à partir du mois de juillet 2001, réuni un comité de pilotage composé de sénateurs et de représentants de divers services ou institutions parties prenantes dans ce projet : les conseils coutumiers, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie (secteurs de la culture, jeunesse et sports, secteur des affaires coutumières), la Fédération de l'enseignement libre protestant, la Direction de l'enseignement catholique, l'Alliance scolaire de l'église évangélique, le vice-rectorat, l'Agence de développement de la culture kanak, l'université de la Nouvelle-Calédonie, et quelques personnes ressources invitées à titre personnel pour leur engagement et leur compétence dans le sujet traité.
Plusieurs réunions, tant plénières que d'un groupe de travail restreint, ont eu lieu qui ont permis de mener une réflexion dans ce domaine, pour aboutir à un premier projet, puis à un deuxième qui a été présenté officiellement lors de la journée internationale de la langue maternelle organisée par le membre du gouvernement chargé des affaires coutumières et le sénat coutumier en 2002.
Ce "projet Mapou" n'a jamais abouti, des réserves relatives à ses missions et à son coût ayant été émises par certains partenaires.
Le 1er janvier 2006, par convention de partenariat entre le gouvernement de la Nouvelle Calédonie et le vice-rectorat signée par la présidente du gouvernement et le vice-recteur, Weniko Ihage a été chargé de travailler à l'élaboration d'un nouveau projet pour la mise en place de l'académie des langues kanak. Pour mener à bien sa mission, deux comités ont été mises en place : un comité linguistique et technique (COMIL) et un comité politique (COPIL). Le COMIL, composé de personnes qualifiées dans les domaines linguistique, sociologique, anthropologique, juridique... ou ayant des connaissances sur les institutions coutumières et/ou sur l'organisation sociale kanak, est chargé de faire des propositions techniques sur les missions, l'organisation et le fonctionnement de l'académie des langues kanak en fonction des orientations générales fixées par le COPIL. Outre les orientations générales du projet de l'académie des langues, le COPIL valide progressivement les propositions du comité linguistique et technique.

Le présent projet de délibération portant création de l'académie des langues kanak est le résultat de plusieurs réunions du COMIL qui a par ailleurs tenu compte des remarques, notamment du SELC du gouvernement, portant sur l'articulation entre les autorités coutumières et les linguistes, le nombre d'académiciens, le coût, l'organisation et le fonctionnement de l'académie.
L'Etat, membre du COPIL, a rappelé avoir un oeil positif sur le projet par la diversité des langues mais qu'il était indispensable de cerner les missions de l'académie et de prouver son utilité notamment par la mise en place d'outils de médiation culturelle, la définition de programmes de recherche...

Organisation de l'Académie des langues kanak : (voir organigramme en annexe 1)
Les deux axes d'intervention de l'Académie des langues kanak sont la normalisation, la promotion et le développement du patrimoine linguistique.


En matière de normalisation, elle devra, entre autres, faire l'état des normes d'usage pour les langues qui en sont déjà dotées et développer une norme pour celles qui n'en possèdent pas en veillant à maintenir une cohérence d'ensemble. Elle aura aussi un rôle dans la promotion et le développement des langues kanak, notamment en favorisant l'innovation linguistique, en participant à la validation des outils nécessaires, des enseignants, des programmes d'enseignement et des contenus, en liaison avec les autorités compétentes. Elle devra aussi entreprendre des actions tendant à développer l'utilisation des parler kanak en ouvrant de nouveaux espaces d'expression, notamment dans les domaines de la santé, des médias, de l'éducation, des transports, de l'administration, de l'environnement, etc.

Les sections régionales
Au nombre de huit, leur répartition est calquée sur celle des aires coutumières ce qui permettra de développer une synergie et une mise en commun de certains moyens logistiques. Elles oeuvreront, chacune pour ce qui la concerne, afin de contribuer à la mise en oeuvre des objectifs définis pour l'académie des langues kanak, déjà développés ci-dessus.
Chaque section régionale a à sa tête un académicien qui a pour tâche d'animer et de coordonner le travail de la section; il siège au conseil de l'académie des langues kanak où il représente les langues et les dialectes de son aire coutumière. Il est désigné par le Sénat coutumier sur proposition du conseil coutumier.
Dans le cas où la section régionale regroupe plusieurs langues ou dialectes, l'académicien sera assisté de conseillers qui seront plus particulièrement chargés d'une langues ou d'un dialecte.
Les membres de la section régionale, en l'occurrence l'académicien et les conseillers, devront êtres locuteurs et maîtriser l'écriture d'une langue ou d'un des dialectes de l'aire considérée et appartenir coutumièrement à celle-ci. Les fonctions d'académicien et de conseiller de la section régionale sont gratuites. Seuls les frais de déplacement seront pris en charge.

L'académie des langues kanak
L'académie des langues kanak siège en assemblée plénière sur convocation du directeur et examine des questions en rapport avec les missions définies à l'article 2 et proposées par les sections régionales.
Les conseillers peuvent assister aux séances plénières auxquelles peuvent être invitées toutes personnes que l'académie jugera utile de consulter.

L'Académie des langues kanak sera administrée par un conseil d'administration où siègeront sept membres representant les institutions de la Nouvelle-Calédonie et l’Etat, ainsi que deux personnalités désignées pour trois ans en raison de leurs compétences techniques par le conseil d'administration. Outre les huit académiciens, certains organismes siégeront au conseil d'administration avec voix consultative : l'agence de développement de la culture kanak, ou encore l'université de la Nouvelle-Calédonie.
Un conseil scientifique et technique assiste le conseil d’administration par ses avis consultatifs sur les questions linguistiques. Ses membres sont désignés par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie pour une durée de cinq ans renouvelable.
Les travaux accomplis par chacune des sections régionales seront proposés par celles-ci à l'assemblée plénière de l'académie qui statuera sur les propositions effectuées, éventuellement après avis du conseil scientifique et technique.

Les fonctions de membres du conseil scientifique et technique sont gratuites et incompatibles avec tout emploi rémunéré par l'académie des langues kanak. Les frais de déplacement des membres du conseil peuvent être pris en charge dans les conditions fixées par le conseil d'administration.

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[1] Hagège, Claude – Halte à la mort des langues, Paris, éditions Odile Jacob, 2000, 402 p.
[2] Ces chiffres et les suivants sur les langues du monde sont extraits de : Barbara G. Grimes, editor and Joseph E. Grimes, consulting editor – Ethnologue: languages of the World, Fourteenth, 2000, 2 volumes.
[3] Leenhardt, Maurice – Langues et dialectes de l'AustroMélanésie, Paris, Institut d'ethnologie, 1946.
[4] Rivierre, Jean-Claude - Linguistique, in Atlas de la Nouvelle-Calédonie, ORSTOM, 1981, Planche 19.
[5] On pourra consulter utilement les deux volumes de l'ouvrage édité par Barbara F. Grimes et Joseph E. Grimes cité précédemment, et aussi la très belle base de données Internet : http://www.ethnologue.com
[6] C'est aussi sur ces données que s'appuient aujourd'hui de nombreux travaux comme celui de Bernard Cerquiglini, Directeur de l'Institut national de la langue française (C.N.R.S.)(Cerquiglini, Bernard – Les langues de France, Rapport au Ministre de l'Education Nationale, de la Recherche et de la Technologie, et à la Ministre de la Culture et de la Communication, paris Avril 1999).
[7] Ainsi Jean-Claude Rivierre ne considère qu'une seule langue le fwa-kumak avec une variante à Poum, alors qu'une étude plus récente identifie cette langue comme étant le nêlêmwâ-nixumwak (Brill, Isabelle – Dictionnaire nêlêmwâ-nixumwak-français-anglais, Editions Peteers, SELAF, 2000, 523 p.)
[8] Délibération de l’assemblée de la province Nord relative à la prise en compte des langues et cultures à l’école (26 avril 2002)