LES TRAITEMENTS ET RETRAITES INDEXES : UNE FONCTION ESSENTIELLE POUR L’ECONOMIE CALEDONIENNE MAIS AUSSI GENERATEUR D’EFFETS PERVERS STRUCTURELS
La contribution du secteur public au PIB est mesurée par le montant total des salaires versés par l’ensemble des administrations et organismes publics. Depuis 1990, le secteur public assure en moyenne le ¼ du PIB et maintient sa position de premier secteur de l’économie calédonienne en termes de contribution à la formation du Produit Intérieur Brut[1]. En période de mauvaise conjoncture du nickel, sa contribution atteint le tiers de la richesse nationale. Cette contribution est très élevée. Il convient par ailleurs de noter qu’avant le « Boom » du nickel, le secteur public ne représentait que 10% environ du PIB.
En 2003, les salaires fournis par les Administrations atteignent 100 Milliards CFP pour un effectif total de 23 000 personnes (fonctionnaires et contractuels). Le salaire net moyen mensuel du secteur public et para-public atteint 290 000 CFP alors qu’il n’est que de 170 000 CFP environ dans le secteur privé.
L’importance des salaires publics découle du système de traitements élevés et des avantages substantiels accordés aux fonctionnaires « expatriés »[2]. Cette position a servi d’arguments aux agents de la fonction publique territoriale et à leurs organisations syndicales pour obtenir une situation pratiquement alignée sur celle des « Métros ». Au total, même si les territoriaux ne bénéficient pas de l’indemnité d’éloignement, leur situation est comparable à celle des expatriés.
Phénomène quelque peu absurde y compris dans les autres DOM-TOM, les salaires de la fonction publique constituent ainsi la norme à la fois pour les traitements du secteur privé mais aussi pour les revenus non-salariaux. Ils rendent par ailleurs possible un haut niveau des prix, autorisant ainsi la constitution de fortes marges commerciales sur les produits importés. Les coûts élevés de la main d’œuvre et des inputs importés contribuent par conséquent à compromettre la rentabilité des productions locales et pénalisent fortement les produits outre-mer à l’exportation[3]. Ce mécanisme conduit systématiquement à une préférence à l’importation et par conséquent à une balance courante structurellement déficitaire.
Le déficit de valeur ajoutée qui en résulte est comblé par les transferts publics qui acquièrent alors un rôle structurel en entretenant un système qui ne favorise guère le développement économique des collectivités d’outre-mer. Les transferts publics en provenance de l’hexagone atteignent 106 Milliards CFP[4] en 2005 soit 30 % de plus qu’en 1994.
Plus généralement, la dépense publique joue un rôle déterminant dans l’économie calédonienne. En 2004, les dépenses des Administrations atteignent 283 Milliards CFP soit 66% de plus que le volume enregistré 10 ans plutôt. Les salaires, achats de biens et services et les prestations sociales constituent les principaux postes de dépenses des Administrations. Mais la contrepartie de cette hypertrophie des dépenses des Administrations est l’existence de plus en plus marquée d’un déficit chronique des finances publiques. L’équilibre n’est rétablie, artificiellement, que par des flux de transferts publics venant de l’hexagone. Ces transferts représentent aujourd’hui encore prés de 40% des ressources totales des Administrations.
Du fait de la très faible rentabilité des productions locales et des risques encourus à investir dans ces activités et compte tenu des hauts revenus d’un côté et d’une faible proportion des prélèvements[5] de l’autre, la Nouvelle-Calédonie dégage en conséquence une capacité de financement considérable[6] : plus de 50 Milliards CFP chaque année depuis 1996. Etrangement, le secteur public dispose lui aussi d’une capacité de financement.
Cette importante capacité de financement des agents calédoniens alimente alors la fuite des capitaux elle-même renforcée par l’absence de produits de placements mieux rémunérés localement. La Balance des paiements indique par ailleurs que 80%[7] des transferts publics retournent ou « repartent » vers l’extérieur. Ces transferts « retour » vers le reste du monde deviennent ainsi des transferts privés qui prennent le plus souvent la forme d’investissements ou de placements opérés par des entreprises et des particuliers en Europe et dans les pays développés de la région Asie-Pacifique.
[1] Le PIB de 2003 estimé par l’ISEE s’élève à 518 Milliards CFP dont 20% sont le fait des Administrations
[2] Le premier avantage est la majoration de leur salaire métropolitain : celui-ci est multiplié par un coefficient appelé « coefficient correcteur » qui est destiné à compenser la cherté de vie outre-mer. Par ailleurs, pour tenir compte des frais occasionnés par l’installation dans une terre lointaine, une « indemnité d’éloignement » est versée puis complétée d’une « indemnité de logement » au cas où l’Administration n’assure pas le logement.
[3] Cette situation qui inquiétait déjà les élus originaires des Dom-Tom est aujourd’hui une source de préoccupation pour des députés, sénateurs et ministres de la république
[4] Dont 17 Milliards CFP pour le compte des 5 000 retraités de la fonction publique d’Etat, résidents en Calédonie. A noter que le coût de la seule majoration de 75% appelée communément « Indemnité Temporaire de Retraite » (ITR) est de 7 Milliards CFP. Au total, on dénombre 32 000 personnes retraités de la fonction publique d’Etat qui sont établies dans les différentes collectivités d’outre-Mer et bénéficiaires de l’ITR dont le coût s’élève à prés de 40 Milliards CFP.
[5] Le taux de prélèvements obligatoires est de 30% en 2004 en Nlle-Calédonie contre 43% en France métropolitaine. De plus, le système d’imposition calédonien est caractérisé par une fiscalité indirecte dominante.
[6] Cela signifie qu’une fois les dépenses d’équipement réalisées et financées, les agents économiques disposent toujours et encore de ressources disponibles soit une épargne nette positive
[7] Alors que les comptes économiques de l’ISEE estimaient ce ratio à seulement 50%