L’ENJEU DE LA TENEUR …
Naku press vous propose à la lecture, l’extrait
d’une publication du 26 août 2015 du blog : caledonickel. Une vision
critique, certes, mais elle a au moins le mérite de proposer une autre lecture
de l’actualité. A prendre ou à laisser, mais au moins savoir que cela existe.
Bonne lecture !!!
Au moment même où s’enflammait la
Nouvelle-Calédonie sur la question de savoir s’il faut ou non exporter un peu
moins de deux millions de tonnes de minerai latéritique vers la Chine, soit
l’équivalent d’environ 20 000 tonnes de nickel contenu, cette dernière
(qui consomme tout de même près d’un million de tonnes de nickel contenu par
an) fixait les règles du jeu avec un tour de vis supplémentaire sur le marché
des devises. La triple dévaluation du Yuan est en effet une très mauvaise
nouvelle pour l’économie du territoire. Elle devrait permettre bien entendu de
stimuler les exportations chinoises (en baisse de 8%) malgré une balance
commerciale excédentaire (de 3% de son PIB). Toutefois, elle laisse planer de
sérieux doutes sur la reprise de la croissance mondiale et surtout sur l’issue
de la guerre des devises que se livrent sur le terrain industriel et maintenant
militaire les chinois et les américains. La Chine est le premier consommateur
mondial de nickel certes, mais la dévaluation de sa monnaie va exercer une
pression supplémentaire sur le cours du métal puisque son coût en dollar est
mécaniquement rendu plus cher. Le maintien de cette tendance baissière (4,24$
aujourd’hui) n’augure donc rien de bon pour la profession minière largement
déficitaire, sans compter l’impact sur les finances publiques du territoire
car, mon cher Thierry, « quand y aura plus, y aura vraiment plus ».
Seules les coupes budgétaires drastiques et les réserves en liquidité des
maisons mères permettront aux opérateurs locaux de ne pas faire partie de ceux
qui sont condamnés à disparaître. C’est l’une des raisons pour lesquelles
Glencore a décidé (unilatéralement) de reporter aux calandres chinoises le
financement de la reconstruction du four n°2. Avec une production (record) de
4 900 tonnes au premier semestre 2015 et un seul four vieillissant
prématurément, l’usine du Nord ne sera certainement pas au rendez-vous pour le
versement des dividendes, pas plus que VNC ou SLN. Aussi, comme le prévoit le
schéma de mise en valeur des richesses minières voté en 2009, le rôle des
exécutifs calédoniens est d’assurer au sein de la conférence (aujourd’hui
comité) des présidents, le suivi de la mise en œuvre et les nouvelles
orientations du schéma minier. Au vu des évènements, comment peut-on alors
expliquer que leurs attitudes soient à ce point viciées par le profond désir de
réduire la survie des entreprises locales à celle d’une Doctrine qui n’ose dire
son nom? Comment accepter cette avidité du pouvoir qui pousse ses dépositaires
à toutes les duplicités sous le régime de la parole et de l’irresponsabilité ou
ne triomphe finalement que l’effet et l’autorité du moment ?
Priorité à la transformation locale. En
matière de développement industriel et de production métallurgique, le schéma
minier (III – Chapitre 4) est clair sur au moins un objectif : « valoriser
les infrastructures minières et métallurgiques existantes sur le territoire ». L’accent
est mis sur la coopération et les synergies, non sur le discrétionnaire et la
confrontation. La mise en commun et la gestion de moyens et
d’équipements en vue de réaliser des programmes de recherches au travers
du CNRT est une avancée importante (et largement sous-estimée) allant dans ce
sens. De même, « le regroupement d’infrastructures existantes, ou la
construction d’infrastructures communes entre opérateurs miniers et
métallurgiques » est encouragée. Le schéma oblige surtout les
opérateurs, sous peine de déchéance, à reconnaître avant 2019 leurs titres
miniers, soit près du tiers des domaines concédés. En partant de la ressource
reconnue et d’une teneur de coupure en nickel de 1,5% pour les garniérites et
de 1% pour les latérites, les ressources minières brutes du territoire seraient
estimées à plus de 21 millions de tonnes de nickel contenu dans les garniérites
(ce qui au rythme envisagé, représente plus de 50 ans d’exploitation) – et à 33
millions de tonnes de nickel contenu dans les latérites (soit plus de 150 ans
d’exploitation). Ainsi, grâce à la recherche appliquée, la mise en commun de
moyens et la reconnaissance de nouvelles réserves, les zones dédiées (par les
nouvelles générations) à de futurs projets peuvent et devront impérativement
être destinées à alimenter des unités métallurgiques installées en
Nouvelle-Calédonie. S’agissant du traitement des petits minerais, le schéma
encourage vivement le développement de techniques d’enrichissement afin que ces
derniers puissent être traités localement. En revanche, afin que « les
mineurs ne se retrouvent pas en situation de dépendance à l’égard des seuls
transformateurs locaux », les exportations de petit minerai à
destination des clients traditionnels (Japon et Australie) « sont
maintenues à un niveau sensiblement équivalent ». Ce point fait
polémique ! Or, à la lecture des statistiques (incomplètes) mises en ligne
par la DIMENC on s’aperçoit que les volumes de nickel contenu exportés depuis
la mise en place du schéma ont évolué à la hausse, à cause bien sûr de la
Corée (passant de zéro à prés de 2 millions de tonnes), sauf au cours des 18
derniers mois où l’on note une notable augmentation de 20% des exportations de
nickel contenu du fait notamment des exportations vers le Japon. Si les volumes
de minerai garniéritique exportés vers le Japon et la Corée augmentent, en
revanche les teneurs en nickel diminuent. Aussi pour faire « parler les
chiffres » comme le schéma minier l’entend, il convient de comparer
les volumes de nickel contenu et non les volumes de minerai contenant,
d’où l’enjeu de la teneur ! S’agissant des latérites, les conditions
imposées par Queensland Nickel détenant un monopole, pousse les mineurs à
chercher un autre débouché, non seulement pour faciliter les négociations mais
aussi en cas de fermeture. Les demandes formulées par les mineurs concernent
l’exportation de 1 930 000 tonnes de minerai latéritique pour une
durée de 18 mois à une teneur en nickel comprise entre 1,2% et 1,65%, ce qui
correspond à peu près au niveau des exportations vers l’Australie avant la
crise. Ces demandes d’exportation viennent donc naturellement se juxtaposer aux
exportations en baisse vers Queensland Nickel, lequel est en proie à de graves
difficultés financières connues de Glencore qui commercialise ses produits en Chine.
Dans l’éventualité d’une fermeture probable du fondeur australien le marché
chinois serait donc, à court terme, une alternative pour la vente des latérites
fatales et un soutien hors fonds nickel des activités de la côte Est.
Exportation réglementée de minerai. Le
schéma minier indique, en des termes moins tranchés que ceux qui s’en font
volontiers les porte-paroles, que « l’alimentation en minerai des
installations locales de traitement pourra être préférée à l’exportation de
minerai brut, sous réserve que l’intérêt de l’exploitant minier – vendeur de
minerai – soit démontré ». Plus encore, « il est proposé de
favoriser la compétitivité des entreprises locales et de promouvoir la
valorisation locale de la ressource, tout en maintenant les courants d’exportation
actuels, pour l’essor et la consolidation de l’industrie minière et
métallurgique de la Nouvelle-Calédonie ». Aussi, le fait de
privilégier la production métallurgique dans des « installations locales »
explique pourquoi l’exportation de ses produits (finis et intermédiaires) n’est
pas réglementée, ce qui n’est bien évidemment pas le cas de l’exportation de
minerai qui est soumise à autorisation. Ces dernières sont délivrées par le
gouvernement en fonction de l’évolution du marché, du type de contrat, des
volumes, de la durée, des teneurs… A ce propos, il est tout de même intéressant
de noter que c’est à ce titre, et à ce titre seulement, que les exportations
vers la Corée sont autorisées, et certainement pas au titre de la filière de
transformation métallurgique (non réglementée). Ceci veut donc dire que la
filière offshore est considérée par le schéma minier comme une exportation de
minerai et que de ce fait elle n’exerce aucune priorité sur les autres
exportations. Elle fait simplement valoir au titre des critères exposés une
participation calédonienne au capital social d’une installation métallurgique
étrangère, au même titre que d’autres possibles types d’arrangements
capitalistiques ou commerciaux tels que le profit sharing dans le cas de
certains mineurs avec les fondeurs japonais. Aussi, les intérêts pour chaque
mineur et les avantages pour la collectivité doivent être analysés et comparés
au cas par cas, critère par critère, de façon pragmatique, en fonction de
l’évolution du marché, et non d’une manière doctrinaire, en privilégiant à tout
prix une voie sur l’autre.
Les non-dits de la « teneur » des
discours politiques. Tout homme politique, qui plus est, bon
communicant, sait qu’il y a les mensonges ordinaires (ceux de papa, maman,
la bonne et moi), les louanges liturgiques pour les accros du 51 et les
statistiques que tout un chacun manie avec conviction. Humain, trop humain,
disait Nietzsche! Personne n’échappe à la règle, ni aux figures de style, car
ce qui caractérise les interventions jugées cohérentes ne sont autres que les
omissions qui rendent justement (et suspicieusement) les arguments (trop)
homogènes et concordants. Doit-on alors faire aveuglément confiance aux
politiques – notamment lorsqu’ils opposent d’une manière systématique et
doctrinaire (a) la transformation locale, (b) la voie de valorisation offshore
et (c) les autres exportations, pour finalement en conclure que la première
filière (le cas de SLN) génère trois fois plus de valeur ajoutée que la
dernière et que par conséquent il ne faut plus exporter de minerai brut vers le
Japon, mais alimenter l’usine de POSCO. Qu’est devenu le schéma
minier ??? Est-ce ainsi que les hommes vivent ??? Un tel argument
apparemment logique et cohérent ne se justifie que grâce à certaines omissions qu’il
convient de réinsérer dans le texte, comme le ferait le père de la
déconstruction: (1) La durée des contrats commerciaux des deux filières diffère
sensiblement. Dans le cas du Japon la durée des contrats varie en fonction de
la conjoncture, tandis que pour la Corée, la contrepartie du débouché est
l’aliénation de la moitié du domaine minier pendant toute la durée d’un contrat
à long terme (30 ans pour la Corée et 50 ans pour la Chine). (2) Les teneurs
moyennes en nickel du minerai exporté vers le Japon et la Corée sont
différentes. Les moins élevées sont celles concernant le Japon, entre 1,6% et
moins de 2%, tandis que celle à destination de la Corée est supérieure à 2%.
Aucun de ces minerais ne peut économiquement être transformé en Nouvelle-Calédonie,
aussi l’argument de la supériorité de la valorisation locale sur l’exportation
du minerai est hors sujet si l’on est incapable de mettre en œuvre les moyens
de son enrichissement. (3) L’accent est enfin mis sur les supposés bénéfices de
la production métallurgique, sur les soi-disant 51% du capital social, alors
que les porte-paroles de la Doctrine Nickel ne peuvent pas méconnaitre dans
quelle détresse financière se trouve la SMSP (qui perçoit peu de dividendes),
sa filiale KNS (qui n’est pas prête d’en générer) et son autre filiale NMC (qui
cumule les pertes). Faut-il alors avoir le courage de poser les problèmes afin
de tenter d’y apporter une solution, ou continuer à s’inventer de nouvelles
excuses pour imposer une autre stratégie hasardeuse permettant de monnayer la
ressource afin de camoufler les problèmes ? Faut-il arrêter une fois pour
toute de confondre la répartition du capital social d’une JV avec la structure
de financement d’un projet industriel ou continuer à alimenter les débats politiques
stériles, afin que la logorrhée camoufle la volonté de pouvoir mettre la main
sur la ressource?
Sources : Caledonickel ( blog)
Naku press : Mise en ligne le 26 août 2015