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mardi 11 mai 2010
Le groupe FLNKS au Congrès et l'emploi local
Explication de vote (Congres 30-12-09) par le chef de groupe FLNKS, Roch WAMYTAN
Nous venons d’examiner le projet de loi du pays relative au soutien et à la promotion de l’emploi local. La problématique de l’emploi local demeure une préoccupation partagée par l’ensemble des pays. On la retrouve déjà dans les anciennes colonies françaises dont la nouvelle Calédonie, citons au passage le décret du 13 juillet 1937 réglementant l’admission des citoyens français et des étrangers ou encore l’ordonnance du 2 novembre 1945 prévoyant que l’établissement des non originaires en vue de l’exercice de certaines professions pourrait être subordonné à des conditions « d’utilité économique et sociale ». Plus proche de nous, l’article 232 du traité CE permet aux pays et territoires d’outre mer de prendre des réglementations dérogeant au principe de la liberté d’établissement dans le but de soutenir l’emploi local dans le cadre de la décision d’association adoptée le 27 novembre 2001.
Par ailleurs, du fait de la réinscription de la Nouvelle Calédonie sur la liste des pays à décoloniser de l’ONU depuis 1986, notre pays reste soumis aux dispositions de la résolution 35/118 du 11 décembre 1980 stipulant que : « les états membres adoptent les mesures nécessaires pour décourager ou prévenir l’afflux systématique d’immigrants extérieurs et colons dans les territoires sous domination coloniale, susceptible de perturber la composition démographique de ces territoires et qui pourrait constituer un obstacle à l’exercice du droit d’autodétermination et à l’indépendance ». Cette disposition a été en partie reprise dans une résolution du 8 décembre 2000 lors de la reconduction de la décade (2001-2010) pour l’éradication du colonialisme.
. Lors des négociations politiques entre 1995 et 1998, cette question fut maintes fois évoquée par les partenaires calédoniens (Etat français, Rassemblement et FLNKS). Elle fut notamment abordée comme solution possible à la préoccupation de la délégation indépendantiste concernant le flux de migration de population de la métropole vers la NC. Il s’agissait là d’une préoccupation majeure depuis que la Nouvelle Calédonie a été déclarée « terre de peuplement » européenne au début de la colonisation. Le FLNKS restait par ailleurs hanté par la teneur de la circulaire de l’ancien premier ministre français Pierre MESSMER à son Secrétaire d’état aux DOM-TOM, François DENIAU le 19 juillet 1972, préconisant de faciliter l’immigration de français de métropole vers la Nouvelle Calédonie afin de noyer la revendication indépendantiste dans le but de faire de ce pays une petite France du pacifique. Cette problématique de flux de migration avait déjà fait l’objet des discussions à Matignon et Oudinot en 1988, c’est ce qu’a repris, lors de la révisions constitutionnelle de 2007 Christian Blanc, négociateur éminent de l’époque en citant la 7ième proposition d’accord de Jean marie Tjibaou et Jacques Lafleur « la question de l’indépendance sera mise entre parenthèse pour dix ans grâce au renvoi à un scrutin d’autodétermination sur le territoire. Cela implique que les évolutions démographiques ne soient pas perturbées et que donc l’immigration soit très strictement contrôlée ».
Après la discussion bilatérale Etat français/ FLNKS sur le contentieux colonial en 1998, on était arrivé à la conclusion que l’instauration de visas pour des nationaux français entrant en Nouvelle Calédonie était constitutionnellement impossible, les deux délégations se sont mis d’accord, sur proposition de Mr Chrisnacht, d’avancer une réponse par le biais d’une protection de principe de l’emploi local, ce qui a donné les écritures citées dans les textes fondamentaux de l’accord de Nouméa et acté par le troisième partenaire, le RPCR entré entre temps dans la négociation. La phrase qui nous concerne aujourd’hui fait notamment partie de ce compromis politique : « afin de tenir compte de l’étroitesse du marché du travail, des dispositions seront définies pour favoriser l’accès à l’emploi local des personnes durablement établies en NC ». Dans l’esprit des signataires, ces personnes durablement établies sont d’abord et avant tout les citoyens du pays relevant des articles 4 et 188 de la loi organique de 1999. Ces citoyens constituent la population concernée au regard des dispositions de la charte de décolonisation de 1960 de l’ONU, ils forment le noyau constitutif du « peuple en émergence » qu’il convient de protéger et de promouvoir à tout point de vue avant que lui soit posée la question de son avenir constitutionnelle. Ainsi est construit l’accord de Nouméa sur son tryptique bien connu : corps électoral figé, citoyenneté et emploi local, base du destin commun calédonien.
De l’esprit à la lettre il y a parfois un fossé abyssal et c’est bien le député Frogier qui déclarait que l’esprit devait primer sur la lettre et qu’il fallait éviter que la lettre ne tue l’esprit. Il est à cet égard intéressant de se référer aux débats parlementaires de fin 98 et début 99 pour retrouver cet esprit qui prévalait à la signature de l’accord et qui affirmait une simple chose : que la hiérarchie entre citoyen et personnes justifiant d’une durée suffisante de résidence est réellement bien posée. Ainsi il ne fait aucun doute à ce niveau, la priorité en matière d’emploi local est aux citoyens calédoniens, et c’est d’ailleurs pour ce motif là qu’il importait de régler la question du corps électoral qui avait une conséquence directe en matière d’emploi local. Les « résidents » depuis une certaine durée que le conseil constitutionnel a fixé à dix ans maximum ne vienne qu’en second rang. Le gouvernement ne fait que nous rétorquer que l’accord de Nouméa n’établit pas juridiquement de hiérarchie entre les citoyens et ces résidents en interprétant stricto sensu l’article 24 de la loi organique, ce n’est pas notre lecture, ce n’est pas l’esprit de l’accord que nous avons signé le 5 mai 1998 et qui a été inclus dans la constitution de 1958 en son article 77.
Depuis prés de 11 ans, la NC attend la mise en œuvre de la protection de l’emploi local. Le pays a pris du retard dans la mise en œuvre de cette disposition centrale de l’accord de Nouméa. Face à une complexité réelle ou supposée pour des raisons politiques, les majorités successives ont laissé trainer les choses avant d’arrêter le choix d’une écriture partagée et concertée de façon à faciliter une appropriation volontaire et responsable de la part des partenaires. L’entreprise est louable et il convient de saluer l’implication et le travail réalisé par les partenaires sociaux. Mais à 11 ans de distance, on a tendance à perdre le sens des origines, ce qui donne in fine qu’on finit par faire de l’exception la règle et qu’on arrive à imaginer ce qui était difficile de l’imaginer en 1998, que les citoyens dont le principe (la citoyenneté) fut enlevé d’arrache pied à 24h de la signature de l’accord, étaient mis sur le même pied d’égalité avec les « résidents » ou personnes pouvant justifier d’une durée suffisante de résidence ». A force de retard, qu’on finit par croire, que cela relève d’un calcul machiavélique, la définition de l’emploi local prend un autre sens. En 1998, cet élément constituait un point d’équilibre politique, 11 ans plus tard, le gouvernement lui adjoint un contrepoids « social » et le charge « juridiquement ; à force de tenter de marier consensus politique et consensus social, on marie la carpe et le lapin et l’on abouti à une véritable perte de sens.
A trop vouloir préserver les intérêts des non citoyens, le texte qui nous est présenté là a oublié l’essentiel : la protection et la promotion de l’emploi pour les citoyens et plus particulièrement au bénéfice des jeunes de ce pays dans une vision de construction d’un destin commun. Notre actuel secrétaire général, Mr François GARDE, l’a d’ailleurs bien compris puisque dans un de ses ouvrages il affirmait : « l’objectif politique que réclamait de nombreux secteurs en NC n’était pas tans celui d’une discrimination mais bien celui d’une protection … l’Etat d’ailleurs avait depuis longtemps favorisé ce qu’on a appelé « l’océanisation de cadres » que ce soit pour des raisons politiques ou pour des raisons budgétaires ». Aussi chacun a pu constater l’inquiétude grandissante de nombre de jeunes et moins jeunes citoyens de la NC et notamment kanak, devant les mouvements de population métropolitaine « bardée de diplômes » à la recherche d’un emploi, en débarquant, ils remettent en cause les efforts de formation accomplis aussi bien par les pouvoirs publiques que par les entreprises de la NC. Le FLNKS ne cherche aucunement à éliminer toute forme de concurrence extérieure et donc toute émulation, il cherche tout simplement dans l’esprit de l’accord de Nouméa à faire en sorte que telle ou telle catégorie d’emploi ne se trouve pas accaparée par des personnes venues d’ailleurs alors que des citoyens en recherche d’emploi seraient aptes à occuper ces postes.
Le défi de la recherche de « sens » d’un tel texte est bien celui de mettre les citoyens de la NC au cœur du dispositif de l’emploi local afin de répondre à la proposition des partenaires sociaux et à ce que disait le président du gouvernement lors de sa déclaration de politique générale : « il n’y aura pas de communauté de destin, si l’on ne restaure pas la confiance de nos populations, si nos jeunes ne regardent pas l’avenir avec espoir, si nos familles ne peuvent vivre correctement de leur travail, si nos anciens n’ont pas de conditions de vie décente, et cela que l’on vive dans le sud, le nord ou les Iles ». La réussite de ce souhait suppose des mesures fortes qui passent entre autre par une garantie dans la loi du pays que la priorité de l’emploi local soit réservée aux citoyens de la NC. Or, force est de constater que malgré nos efforts, nous ne retrouvant pas cette garantie dans le texte qui nous est proposé.
Le groupe FLNKS a longtemps hésité entre s’opposer au texte ou s’abstenir. Nous avons finalement retenu l’abstention. En effet ce projet constitue une avancée significative eu égard à l’implication des partenaires sociaux et au volontarisme politique du gouvernement GOMES. Par ailleurs, nous voulons laisser encore une place à la négociation afin que ce texte respecte vraiment l’accord de Nouméa en donnant la priorité à l’emploi des citoyens calédoniens. D’ailleurs dans cet esprit, le groupe se réserve le droit de faire jouer l’article 103 de la loi organique de 1999 c'est-à-dire de demander une seconde lecture du projet de loi de pays afin que la priorité de l’emploi local aux citoyens du pays soit clairement affirmée.
Si à l’issue d’une seconde lecture, aucun changement n’est intervenu, le groupe FLNKS pourrait enclencher la procédure de saisine du Conseil constitutionnel en vertu de l’article 104 de la loi organique de 1999. Dans le cadre de cette démarche en crescendo, le groupe sollicite donc l’attention du gouvernement afin que dans le projet de loi, les citoyens calédoniens soient remis au centre du dispositif législatif de la protection de l’emploi local.
Je vous remercie.