mardi 25 mai 2010

Déclaration du FLNKS au séminaire régional du Comité de décolonisation de l'ONU à Nouméa Kanaky

Monsieur le Président

Le FLNKS, Front de Libération Nationale Kanak Socialiste, voudrait vous remercier et à travers vous, l'Assemblée de ce comité de décolonisation, pour l'examen de la question de la décolonisation de la Nouvelle Calédonie.
Au nom du peuple Kanak, peuple Indigène de cette Terre, permettez-moi de vous exprimer toute notre gratitude pour votre décision de réunir votre haute assemblée ici en Nouvelle Calédonie ; nos remerciements vont également au gouvernement de la Nouvelle Calédonie pour l’invitation qui vous a été faite au nom de tous les Calédoniens.
Je voudrais également au nom du FLNKS, Monsieur le Président, profiter de cette tribune pour remercier encore toutes les organisations et tous les pays qui ont toujours manifesté leur soutien à la lutte du Peuple kanak pour son combat pour l’émancipation de son pays.
Le FLNKS voudrait également à cette tribune réitérer ses remerciements au Melanesian spearhead group - l'organisation des pays du Fer de Lance de la Mélanésie - pour le soutien manifesté au combat pour l'émancipation de notre pays.
Monsieur le Président, depuis notre déclaration à la tribune de la 4ème commission en octobre dernier, la situation politique ici en Nouvelle Calédonie a peu changé.
Le contrat social ;
Le transfert des toutes les compétences non régaliennes, processus prévu par l’Accord de Nouméa, est aujourd’hui sur la voie effective du transfert après plusieurs années de neutralisation. Il s’inscrit dans la démarche d’émancipation qui caractérise l’Accord de Nouméa et qui tend à ramener les centres de décision à notre pays. Le FLNKS poursuit l’objectif du transfert de toutes les compétences, dont aussi celles dites régaliennes.
Pourtant Monsieur le Président, comme nous l’avons rappelé devant la 4ème commission en octobre dernier, des dispositions de l’Accord de Nouméa relatives à la citoyenneté calédonienne, et donc à la symbolique très forte, tardent à être mises en œuvre, telles que les signes identitaires ou les dispositions visant à restreindre l’accès à l’emploi local dans le privé. Les différents schémas d’aménagement et de développement du pays sont par ailleurs également neutralisés.

Le nécessaire rééquilibrage ;
La structure de l’économie calédonienne évolue en fonction des cours du nickel qui a contribué pour 1/4 environ durant ces dernières années à la croissance du pays.
Le développement industriel attendu pour notre pays pour les décennies à venir, au travers des trois projets industriels de taille mondiale, va entraîner par effet mécanique un afflux migratoire important provenant essentiellement des pays d’Europe ou des territoires français du Pacifique alors qu’aucune disposition n’est prévue par les différentes autorités quant à la limitation de leur séjour, ce qui risque par ailleurs de remettre en cause à terme les équilibres socio-économiques locaux. Le taux de chômage est par ailleurs le plus important chez les kanaks.
L’Indicateur de Développement Humain - l’IDH – qui prend en compte trois dimensions : l’espérance de vie à la naissance, l’instruction et le PIB par habitant classe la Nouvelle Calédonie au 32ème rang mondial sur 177 pays, au 3ème rang dans le Pacifique, après l’Australie qui est 3ème au rang mondial et la Nouvelle Zélande qui est 18ème également sur le plan mondial.

Et pourtant, des déséquilibres spatiaux, sociaux et économiques persistent :

Les déséquilibres spatiaux ; avec une polarisation de la Nouvelle-Calédonie sur la province Sud et particulièrement sur le « Grand Nouméa ». 71% de la population est concentrée sur la seule province Sud dont 63% sur le grand Nouméa.

Les déséquilibres sociaux : 2/3 de la population de 14ans et plus résidant en province Nord et dans la province des îles n’ont aucun diplôme. 35% en province Sud ….

Les déséquilibres économiques : 85% du revenu total des ménages sont versés dans la province Sud, 11,1% dans la province Nord et 3,9% dans la province des Iles Loyauté. Un ménage résidant en province Sud a un revenu 1,9 fois supérieur à celui d’un ménage de la province Nord et 2,3 fois supérieur à celui d’un ménage de la province des îles.

95% des ménages résidant dans la province Sud disposaient d’un logement pourvu d’eau courante contre 60% dans le Nord et 25% dans la province des îles Loyauté.

95% des ménages de la province Sud étaient raccordés au réseau général d’électricité, contre 77% en province Nord et en province Iles Loyauté où respectivement 1ménage sur 6 et 1 ménage sur 5 s’éclaire encore à la lampe pétrole.

20% des ménages les plus riches perçoivent 55% du total des revenus déclarés et la pauvreté relative touche près d’un calédonien sur 4.

7000 familles vivent dans des conditions précaires.

Malgré l’effort considérable consenti, le rééquilibrage économique, spatial et inter-communautaire notamment pour la formation reste encore un défi majeur à relever.

Respecter les engagements de l’Accord de Nouméa, c’est avant tout se donner les moyens de réussir le pari de la décolonisation.

Le processus de sortie ;
Sous l’impulsion du Président de la République française, à l’occasion de la présentation de ses vœux en janvier, le débat se cristallise aujourd’hui autour de la sortie du processus politique actuel ; les représentants du FLNKS ont d’ailleurs été appelés en consultation à Paris en début de ce mois.
Pour le FLNKS cependant, la mise en oeuvre de l’Accord de Nouméa – processus de décolonisation - doit se poursuivre jusqu’à son terme ; ainsi cela sous –tend que toutes les dispositions prévues doivent être mises en œuvre. L’accord a précisément prévu qu’à son terme, la consultation portera sur le transfert à la Nouvelle Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité.
Monsieur le Président, le FLNKS porte le projet d’indépendance et d’accession à la souveraineté de la Nouvelle Calédonie. Nous demanderons d’ailleurs à notre puissance de tutelle, dans les semaines qui viennent à l’occasion de la réunion annuelle du comité des signataires – structure composée des signataires de l’Accord de Nouméa et chargée de son suivi, qu’à l’instar du travail préparatoire au transfert des compétences, soit organisée la réflexion autour des ces trois axes qui constituent l’accession à l’indépendance et à la pleine souveraineté.
Comme indiqué en octobre dernier, le FLNKS continue de solliciter votre aide, Monsieur le Président, pour évaluer les politiques publiques qui sont en place et nous permettre de continuer le processus engagé en tirant toutes les conséquences en terme de choix politiques dans notre organisation locale pour ne pas décevoir les espoirs ouverts par l’Accord de nouméa.
Le FLNKS a par ailleurs sollicité le Melanesian Spearhead group – le groupe du Fer de lance Mélanésien – pour une même démarche évaluative des actions publiques développées dans le pays.
C’est avec appréhension Monsieur le Président que le FLNKS constate que nous arrivons au terme de la décade 2000 / 2010 d’éradication du colonialisme dans le monde, telle que définie par l’Assemblée Générale de l’ONU. Le FLNKS plaide ici, Monsieur le Président, pour la prorogation de cette période ; d’autres peuples et d’autres mouvements à travers le monde, tels nos frères Mahoi de Polynésie dite française dans notre région, ont encore grandement besoin de votre aide et votre assistance.
Pour finir enfin, Monsieur le Président, je voudrai vous redire au nom du FLNKS toute notre fierté de vous accueillir sur notre sol ainsi que les différents membres de votre haute assemblée ; vous redire également toute notre gratitude pour le soutien que vous nous manifestez maintenant depuis 1986, date de l’inscription de notre pays sur la liste des pays à décoloniser et voudrai encore vous demander de la maintenir sur cette liste des pays à décoloniser.

Merci.

Le Porte-parole
Victor TUTUGORO